Armée

Dépenses militaires : accroissement de 15 % du budget

Recevant à l'Élysée, à la veille du défilé militaire du 14 juillet 1979 à Paris, des représentants des états-majors, le chef de l'État annonce qu'il a décidé de « réviser en hausse » le projet de budget de la défense pour 1980, afin de « mettre les moyens au niveau de la sécurité de la nation ». Avec cette déclaration de Valéry Giscard d'Estaing, le ton est donné à une polémique qui a duré plusieurs mois et durant laquelle des partis politiques, notamment ceux de la majorité comme le RPR de Jacques Chirac, ont réclamé un accroissement des dépenses militaires de la France face à une situation internationale dangereuse et dégradée.

La loi de programmation militaire 1977-1982, approuvée par le Parlement en 1976, prévoyait de consacrer une somme de 87 260 millions de F à la défense en 1980. L'intervention du président de la République, chef des armées au terme de la Constitution de 1958, porte ce budget de 1980 à près de 88 600 millions de F (en réalité 105 milliards si l'on inclut les pensions et retraites), en augmentation de 15 % environ sur les dépenses de 1979.

Dans un rapport qu'il remet au Parlement sur l'exécution de cette loi de programmation, l'équivalent dans les armées du plan civil, le Premier ministre, Raymond Barre, et son ministre de la Défense, Yvon Bourges, réaffirment : « Le maintien d'un effort soutenu en faveur de l'arme nucléaire demeure la première obligation. »

Cette thèse est vivement contestée par les rapporteurs de l'Assemblée nationale, Arthur Paecht (UDF) et Jacques Cressard (RPR), qui appartiennent, tous deux, à la majorité. A. Paecht va jusqu'à écrire que « l'arme nucléaire n'a plus la priorité ». Le 12 février 1980, le président du RPR, Jacques Chirac, exige, de son côté, « un renforcement effectif et immédiat » des moyens de dissuasion et d'intervention, au besoin par un nouvel effort budgétaire.

75 mégatonnes

Devançant ces critiques, le ministre de la Défense annonce que la France quadruplera sa puissance nucléaire d'ici à 1985 et qu'elle donnera la priorité à l'étude d'un missile stratégique mobile, le SX, pour compléter la panoplie des sous-marins à propulsion nucléaire capables de lancer des missiles à plusieurs charges, les M4. Une réunion de travail examine, le 7 février 1980, ce dossier à l'Élysée.

Yvon Bourges préside, le 3 mai 1980, les cérémonies à Brest, qui marquent le départ pour sa première patrouille opérationnelle en mer du cinquième sous-marin stratégique, le Tonnant, et, le 23 mai suivant, il tient à assister à la remise à l'armée de l'air de la première unité de tir de missiles thermonucléaires S3 enfouis en Provence. La puissance totale de destruction nucléaire de la France atteint alors 75 mégatonnes (environ 3 750 fois la bombe d'Hiroshima).

Dans le même temps, le gouvernement choisit d'accroître le volume des forces d'intervention d'outre-mer, en constituant, auprès de la 11e division parachutiste qui ne sera pas amputée d'un régiment d'appelés, une demi-brigade blindée (chars AMX-10 à roues) et motorisée (VAB, véhicules de l'avant blindé) installée à Fréjus (Var).

Mais il faut attendre le conseil de défense du 10 juin 1980 pour que V. Giscard d'Estaing prenne des initiatives en vue de moderniser l'armement nucléaire national. Le chef de l'État, qui révèle sa décision lors de sa conférence de presse du 26 juin, demande à ses états-majors de lui préciser, avant la fin de l'année, les caractéristiques et les performances du lanceur stratégique mobile qui doit, après 1992, remplacer les missiles fixes du plateau d'Albion et compléter la force océanique stratégique.

Le président de la République annonce, d'autre part, que le processus du développement de la bombe à neutrons est engagé depuis 1976 et que c'est après 1982-1983 que sera prise éventuellement la décision de la produire en série. La bombe à neutrons est une arme thermonucléaire miniaturisée dont les effets de souffle et de chaleur ont été réduits pour donner la priorité à l'émission de flux de neutrons qui suppriment toute vie à la surface.