Journal de l'année Édition 1980 1980Éd. 1980

Paradoxalement, les critiques les plus fortes sont adressées à la CFDT, non à la CGT. Comme si, pour cette dernière, la cause était entendue une fois pour toutes. Les congressistes reprochent à la CFDT de soutenir l'entrée de la CGT dans la confédération européenne des syndicats, de vouloir dépouiller le syndicalisme de ses prérogatives, de développer des « théories fumeuses » et d'avoir un « caractère aventuriste ».

Quelques critiques sévères sont adressées au patronat. « Le patronat, profitant des difficultés actuelles, tente de remettre en cause le droit de grève », déclare A. Bergeron.

Le bureau confédéral enregistre l'élection de Marc Blondel (employé) et de Claude Jenet (Haute-Vienne), qui remplacent Antoine Laval (métaux) et André Heurtebise (EDF).

Les élections prud'homales

Près de 13 millions de salariés et de 1 million d'employeurs votent, le 12 décembre 1979, pour élire leurs représentants aux conseils de prud'hommes dans les conditions fixées par la loi du 18 janvier 1979 (Journal de l'année 1978-79). Sur le plan social, c'est la première consultation nationale depuis les élections à la Sécurité sociale en 1962. Aux dernières élections prud'homales, en 1975, sur 900 000 inscrits, 250 000 votants seulement parmi les salariés avaient participé au scrutin.

Les syndicats ont passé avec succès leur test de légitimité : la participation a été plus importante que prévu. Dans aucune section le pourcentage n'a été inférieur à 50 % ; il atteint 71,6 % dans l'industrie, soit le même niveau que pour les élections aux comités d'entreprise.

Les cinq grandes confédérations recueillent plus de 95 % des suffrages, soit 10 points de plus qu'aux élections de la Sécurité sociale de 1962. Les petites organisations indépendantes sont rayées du paysage social : la question de leur représentativité semble enterrée pour de nombreuses années. Avec des effectifs stagnants, l'influence des grandes centrales se trouve renforcée par ce vote. Les électeurs des petites entreprises, que beaucoup jugeaient indifférents ou hostiles aux syndicats, leur ont apporté un appui décisif. L'élection va redonner un certain tonus à bon nombre de dirigeants qui doutaient d'eux-mêmes. L'autorité des syndicats à l'égard du gouvernement et du patronat se trouve renforcée.

La CFDT et FO recueillent plus de voix qu'elles ne l'escomptaient ; la CGT moins, mais, si elle recule de 1,9 point par rapport aux élections de 1962, elle obtient de meilleurs résultats que lors des élections professionnelles de ces dernières années. Sauf dans l'agriculture, la CGT demeure la première organisation, et prédomine nettement dans l'industrie, où elle totalise plus de suffrages que les quatre autres confédérations réunies. La CFDT, sans doute aidée par son recentrage, a bénéficié de son dynamisme dans le commerce et de sa solide implantation dans l'agriculture.

Les résultats de la section encadrement sont les plus controversés : les employeurs n'ont pas observé une attitude homogène pour l'inscription de leurs cadres ; beaucoup se sont retrouvés dans les mêmes sections que les autres salariés. La CGC domine largement, mais la compétition demeure très ouverte ; tous les systèmes d'alliance entre syndicats de cadres peuvent être envisagés pour créer une dynamique dans un groupe social qui n'a pas boudé l'élection (au contraire, les cadres ont voté plus que les autres catégories). À noter que leurs modes d'action se rapprochent de plus en plus de ceux de la masse des salariés.

Le paysage industriel français a beaucoup changé depuis vingt ans ; la main-d'œuvre aussi ; elle s'est rajeunie, les femmes y sont plus nombreuses, les qualifications y sont bouleversées. Pourtant, les zones de force des syndicats demeurent étonnamment stables.

La carte de la CGT superpose celle de l'ancienneté du vote à gauche (dans le Midi méditerranéen ou le pourtour nord-ouest du Massif central) et celle de l'ancienneté de l'industrialisation (le Nord, la Loire, l'Est). Elle marie la France du charbon et de l'acier avec celle du seigle et de la châtaigne, tandis que CFDT et Église catholique se sont « déconfessionnalisées » de pair. Au total, peu de chose a changé : les meilleurs résultats de la CFDT s'observent dans les régions de tradition chrétienne (l'Ouest breton, l'Alsace, le sud-est du Massif central) ainsi que dans les zones où se sont créées de nouvelles activités industrielles ou tertiaires.