Journal de l'année Édition 1980 1980Éd. 1980

Un tract distribué par des professeurs d'un lycée de la banlieue rouge de Paris, le 17 décembre 1979, déclenche un véritable délire dans une partie de la presse et des milieux politiques. Les auteurs du tract, qui souhaitent un débat sur le H dans leur lycée, sont accusés de « faire l'apologie de la drogue ». Le ministre de l'Éducation juge « inacceptable » leur attitude ; le ministre de la Santé laisse prévoir des sanctions. Le RPR s'inquiète. Les communistes, les plus virulents, dénoncent une « banalisation » de la drogue, un « conformisme du désespoir ».

Consommation inquiétante

Depuis dix ans, la consommation des stupéfiants a considérablement augmenté. Elle touche tous les milieux, les bourgeois et les prolétaires, les ouvriers comme les intellectuels. Les plus jeunes, dans les milieux modestes, recourent parfois à des substances en vente libre, peu coûteuses (comme la colle, le kérosène, les détergents) mais aussi dangereuses que les drogues traditionnelles. On enregistre, en 1979, 117 morts par surdose (109 en 1978). Plus répandue, la toxicomanie est aussi plus réprimée : on a interpellé plus de 10 000 personnes en 1979 (vingt fois plus qu'en 1968), en très grande majorité des consommateurs plutôt que des trafiquants.

On évalue à 50 000 en France (dont beaucoup de jeunes de vingt à vingt-cinq ans), le nombre de véritables toxicomanes adonnés aux drogues dures (héroïne ou cocaïne). Beaucoup plus nombreux sont les consommateurs occasionnels. Selon une enquête de l'INSERM dans la région parisienne, un lycéen sur neuf (un garçon sur sept, une fille sur dix) a fumé au moins une fois du haschisch ou de la marijuana, mais très peu le font régulièrement. Les spécialistes sont en désaccord sur le danger de ces dérivés du cannabis (Gabriel Nahas, directeur à l'INSERM, les juge très toxiques). Mais on constate que le passage à la toxicomanie véritable est lié à des troubles psychologiques ou à un milieu familial perturbé.

On souhaite une information des jeunes, des familles et des enseignants. Mais celle-ci est délicate : elle ne doit pas dramatiser pour être crédible et ne pas enfoncer les jeunes dans la déviance : il faut, souligne-t-on au ministère de l'Éducation, qu'existe « un climat de confiance ». L'Éducation nationale a organisé, depuis plusieurs années, des réunions avec les chefs d'établissements scolaires ; l'Administration souhaite développer des clubs santé dans les lycées et collèges, où les enseignants pourront organiser des séances d'information en réponse aux demandes des élèves.

Vandalisme et racket

Autre inquiétude : la violence. On voit se multiplier dans les journaux des récits de faits divers violents impliquant des enfants ou des adolescents. Quelques titres relevés dans les derniers mois de 1979 et au début de 1980 : « Deux coups de couteau pour cinq minutes de consigne » ; « Aubagne, la horde : quinze classes saccagées » ; « À Aubervilliers, un collégien de douze ans tue un camarade d'un coup de couteau » ; « Amiens : un jeune Africain poussé dans le canal par un garçon de quatorze ans ».

La violence augmente-t-elle chez les jeunes ? La commission d'études de la violence, présidée par Alain Peyrefitte, aujourd'hui ministre de la Justice, évaluait à 73 000 en 1975 le nombre de mineurs auteurs de délits violents (elle estimait que 20 % des délits de ce genre étaient commis par des mineurs). Certaines formes de violences semblent s'être accrues depuis dix ans : le vandalisme, surtout chez les plus jeunes (moins de treize ans) ; les vols à l'arraché ou avec agression (à partir de quatorze ans) ; des bandes de jeunes se manifestent, qui s'en prennent surtout à d'autres jeunes ; enfin, en février 1980, une douzaine d'adolescents détroussent les voyageurs du RER.

Les établissements scolaires sont touchés par diverses formes de délinquance. Une enquête, faite par l'inspection générale de la vie scolaire dans 47 collèges de banlieues de Paris et de province, constate des vols d'effets dans tous les établissements, des déprédations dans quatre collèges sur cinq ; fréquemment des vols de matériel ou diverses formes de racket : des adolescents, parfois en groupe, rançonnent des plus jeunes ou les menacent aux portes des collèges. Des chefs d'établissements s'inquiètent : l'école n'est plus un lieu préservé.