Journal de l'année Édition 1980 1980Éd. 1980

Dans l'entreprise, un tuteur (chef d'atelier, contremaître ou ouvrier qualifié) suit en permanence un ou deux élèves. Les stagiaires tout en participant à l'activité de l'entreprise ne doivent pas être utilisés à la production (ils ne sont donc pas rémunérés).

C'est ainsi que des séquences éducatives en entreprise sont organisées pour les élèves des LEP : en dernière année de préparation au CAP et au BEPC, 25 000 élèves effectuent en 1979-1980 des stages d'une à dix semaines, répartis en une à quatre périodes. Cette action exploratoire touche près de 800 LEP sur 2 000. Le ministre souhaite doubler le nombre de stagiaires des LEP en 1980-1981, l'objectif étant qu'à terme tous les élèves de ces établissements puissent suivre un stage. La FEN demande que la formule soit étendue aussi aux élèves des classes de troisième des collèges.

Expérience satisfaisante

Les élèves en stage se montrent assez satisfaits de leur expérience ; ils espèrent trouver plus facilement du travail (de fait, les entreprises embauchent plus volontiers des gens qu'elles connaissent). Pourtant, des manifestations et des grèves d'élèves ont eu lieu en décembre 1979 et en janvier 1980, à Paris et dans plusieurs villes de province (Clermont, Grenoble, Rennes). Elles sont surtout menées par des groupes politiques d'extrême gauche qui réussissent à mobiliser les élèves inquiets pour leur avenir, surtout dans des établissements où les stages ne sont pas encore connus.

Les lycéens redoutent de « servir de main-d'œuvre gratuite aux patrons » et de perdre du temps pour la préparation des examens. Certains professeurs dénoncent aussi la perte de temps entraînée par les stages. Mais les syndicats d'enseignants ne les soutiennent guère. La CGT les suit (comme le PC), mais réclame surtout que l'organisation des stages soit contrôlée par les salariés ; André Henry, secrétaire général de la FEN, tourne en dérision les grèves d'élèves.

Christian Beullac préconise, d'autre part, des stages en entreprise pour les enseignants. En 1979-1980, ce sont les enseignants en cours de formation pédagogique qui bénéficient de cette mesure et découvrent les conditions de travail dans des centres de tri postal, des banques ou des usines d'automobiles. La durée des stages varie selon les catégories : huit semaines pour les 1 000 futurs professeurs d'enseignement général de collège, trois semaines pour les 1 700 certifiés, et dix semaines pour les 450 agrégés.

Grogne et réticence

En 1980-1981, tous les stages dureront normalement six semaines. Des professeurs de collèges et de lycées en activité pourront aussi en bénéficier. Christian Beullac espère qu'ainsi les enseignants connaîtront un peu le monde des entreprises qui accueille la plupart de leurs élèves. Il reprend sous une autre forme l'expérience lancée en 1972 par Olivier Guichard lorsqu'il était ministre de l'Éducation, et abandonnée en 1976 par René Haby (des professeurs ont pu ainsi passer une année entière dans une entreprise et quelques-uns ont pu même changer de carrière). Les futurs enseignants apprécient inégalement ces brefs séjours. La façon improvisée dont les premiers sont organisés contribue aussi à une certaine grogne, notamment dans la région parisienne.

Au cours d'un voyage en Franche-Comté, Valéry Giscard d'Estaing apporte son soutien à l'entreprise de Christian Beullac. Le 1er février 1980, en visite au LEP de Baume-les-Dames (Jura), il plaide pour « une formation conduisant tous les élèves à une activité professionnelle ». Il met l'accent sur le rôle des entreprises dans la formation professionnelle des jeunes. Il insiste sur la nécessité de consolider et d'étendre l'éducation concertée et les stages pour les enseignants dans les entreprises : il annonce que les professeurs de l'enseignement technique suivront désormais un stage d'un an dans une entreprise, et propose d'offrir à des techniciens des contrats pour enseigner pendant une certaine durée dans les établissements de formation.

Malgré l'approbation du CNPF, qui semble provisoirement renoncer à ses projets d'instituts techniques de formation professionnelle, bien des chefs d'entreprise sont réticents ; ils font valoir des difficultés actuelles (contraintes sociales, possibilités d'emploi...). L'éducation concertée leur paraît une charge supplémentaire : ils sont exonérés de la taxe d'apprentissage seulement pendant le temps passé par les tuteurs à la formation. L'éducation concertée devra sans doute trouver un financement spécifique.

La drogue et la violence s'installent au lycée

De plus en plus fréquemment l'opinion s'inquiète d'une montée de la toxicomanie chez les jeunes : la presse rapporte de plus en plus souvent des arrestations de toxicomanes et de revendeurs (plutôt que de trafiquants). En octobre 1979, la petite ville de Liverdun (Meurthe-et-Moselle) est bouleversée en apprenant que quelques collégiens en voyage ont fumé du haschisch. En mai 1979, trente jeunes ont été interpellés par la police dans des établissements scolaires de la Loire ; quelques mois plus tard, c'est le tour de La Flèche (Sarthe). On trouve aussi des mineurs parmi les toxicomanes jugés à Besançon en juin 1979, ou, en janvier 1980, à Versailles.