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Musique

La province prend le pas sur Paris

La province, sur le plan musical, a ravi à Paris la prépondérance pour la diversité et la qualité, aussi bien dans le domaine symphonique ou lyrique que dans celui de la recherche et de la diffusion de la musique contemporaine. Paris a rendu, dès le début de la saison, un hommage éclatant à six des grands orchestres régionaux, au Théâtre des Champs-Élysées où on a entendu successivement : l'Orchestre de Lille, de Jean-Claude Casadesus ; celui du Capitole de Toulouse, de Michel Plasson ; celui de Lyon, de Serge Baudo ; celui de l'Île-de-France, de Jean Fournet ; celui de Bordeaux-Aquitaine, de Roberto Benzi ; et celui des Pays de la Loire, de Marc Soustrot ; auxquels s'ajouta l'Orchestre de l'Opéra de Monte-Carlo, de Lawrence Foster.

Ils ont bénéficié de solistes prestigieux comme les pianistes Jean-Philippe Collard, Bruno Rigutto, Aldo Ciccolini, les violonistes Victor Tretiakov, Augustin Demay et Isaac Stern, et de cantatrices internationales comme Katia Ricciarelli et Galina Vichnevskaïa. C'est la province aussi qui a honoré deux grands compositeurs : Serge Baudo consacre le 1er festival de Lyon à Berlioz en septembre 1979 ; Lille, d'octobre à décembre, donne quatre-vingts œuvres d'Haydn, dont La Fedelta Premiata par la troupe de Glyndebourne, dans une éblouissante rétrospective.

Ronde des festivals

Les mélomanes se sont partagés, de juillet à septembre, entre les différents festivals qui leur étaient offerts. Comme toujours, Aix-en-Provence et Orange sont les plus courus. À Aix, Les noces de Figaro, dans une mise en scène très contestée de Lavelli, n'est qu'une demi-réussite, mais a révélé l'exquise Suzanne de Barbara Hendricks ; Porporino, spectacle baroque, d'après le roman de Dominique Fernandez, sur des airs italiens du XVIIIe siècle recueillis par René Blanchard, n'a pu éviter une certaine monotonie due à un livret sans rebondissement et, enfin, le Werther de Massenet nous a apporté la révélation du ténor Neil Shicoff. À Orange, nous avons eu une Turandot, avec le vaillant Calaf de Nicola Martinucci et surtout l'émouvante Liu de Tereza Zylis Gara, et un Parsifal, sauvé par la Kundry de Léonie Rysanek.

Le festival de Carpentras a présenté deux ouvrages lyriques : L'apothicaire de Haydn et le Roméo et Juliette de Gounod, qui a valu un triomphe à la jeune cantatrice anglaise Norma Burrowes. Un festival qui naît, celui des Milelli près d'Ajaccio, a inauguré son activité avec Cosi Fan Tutte, où brille Isabel Garcisanz dans Fiordiligi, et un autre qui meurt, celui de La Besnardière, nous a dit adieu avec le Xerxès de Haendel. Le festival de Toulon avec l'Octuor de Paris, celui que Jean-Claude Malgoire a consacré à la musique ancienne à Saintes et celui de Besançon, où Seiji Ozawa dirige Beethoven et Berlioz, ont connu une affluence justifiée par leur mérite.

Concerts et récitals

Quatre grandes manifestations ont marqué le début de la saison symphonique : le 11 septembre 1979, un concert Berlioz dirigé par Sylvain Cambreling, à l'Opéra, avec le concours de Grace Bumbry, et un concert de l'Orchestre national, aux Champs-Élysées, dirigé par Léonard Bernstein, où Alexis Weissemberg joue le Concerto pour piano no 3 de Rachmaninoff ; le 20 septembre, le concert d'ouverture de l'Orchestre de Paris, au Palais des Congrès, dirigé par Barenboïm, avec Mozart au programme (Symphonie Jupiter et Requiem) et, le 4 octobre, la rentrée du nouvel Orchestre philharmonique de Radio-France, dirigé par Maxime Chostakovitch, avec le Concerto pour piano no 4 de Rachmaninoff, joué par Zoltan Kocsis.

Cette saison aura également été marquée par l'Ensemble orchestral de Paris dirigé par Jean-Pierre Wallez et par le Quatuor Juilliard et le Quatuor Amadeus.

La saison de Paris a permis d'entendre, en novembre 1979, le grandiose oratorio de Haendel, Israël en Égypte, donné dans le cadre de Prestige de la musique, avec l'orchestre et les chœurs Monteverdi de Londres dirigés par John Eliot Gardiner ; en décembre, la série de concerts donnés par l'Orchestre national sous la baguette de Lorin Maazel : en janvier 1980, les deux grands concerts programmés aux Champs-Élysées par l'Orchestre de Paris, l'un avec Yehudi Menuhin (Mozart-Bartok-Haydn) et l'autre Mistlav Rostropovitch (Berlioz-Dvorak) ; en février, le concert donné par Eugène Jochum, à la tête de l'Orchestre national aux Champs-Élysées, avec le Prélude et la Mort d'Isolde et la VIIe Symphonie de Bruckner ; le 27 février, le concert exceptionnel organisé salle Pleyel par Rostropovitch pour protester contre l'exil de l'académicien soviétique Andreï Sakharov, où se produisit, outre Galina Vichnevskaïa, Miguel Angel Estrella, le pianiste récemment libéré des geôles uruguayennes ; en mars, le festival de musique sacrée, donné à Saint-Germain-des-Prés par Malgoire et les concerts de l'Orchestre de Paris avec deux grands chefs : Riccardo Muti (aux Champs-Élysées) et Karl Boehm (au Palais des Congrès), ainsi que le superbe Requiem allemand de Brahms, exécuté à Notre-Dame de Paris par Lorin Maazel à la tête de l'Orchestre national ; en avril, à Saint-Séverin, la Messe en si de Bach par l'Ensemble orchestral de Paris conduit par Michel Corboz ; en mai, aux Champs-Élysées, la venue de Claudio Abbado avec le London Symphony Orchestra et, en solistes, Alfred Brendel et Salvatore Accardo dans une série de concerts consacrés à l'intégrale des concertos de Beethoven ainsi qu'à Mahler, Tchaïkovski, Schubert et Mozart ; enfin, en mai et juin, les 16 concerts donnés par le grand violoniste Isaac Stern, avec l'Orchestre national dirigé successivement par cinq chefs de réputation internationale : Kiril Kondrachine, Neville Marriner, Léonard Slathrin, Lorin Maazel et Emmanuel Krivine, dans un programme consacré à Chostakovitch, Barber, Tchaïkovski, Bartok, Mendelssohn, Brahms, Dvorak, Chausson, Wieniawski et la création d'une œuvre pour violon de Dutilleux.