Une conférence sur les réfugiés d'Indochine réunit, le 20 juillet 1979, 62 pays à Genève. Les nations de transit et la plupart des éventuels pays d'accueil sont représentés ; l'URSS et les membres de la Commission des Nations unies pour les réfugiés y assistent ; mais le Viêt-nam est le seul pays de départ présent. Le Laos et le Cambodge n'ont pas été invités.

La conférence décide, à l'initiative de la France, un moratoire de six mois durant lequel le Viêt-nam s'efforce de stopper les départs illégaux et de faciliter les départs légaux. La Thaïlande et la Malaysia ne prennent aucun engagement à long terme. Quant aux nations occidentales, elles acceptent d'accueillir 70 000 personnes supplémentaires, ce qui porte à 260 000 places la capacité d'accueil des réfugiés en Occident jusqu'en juin 1980. Une aide de 190 millions de dollars est accordée.

Conséquence de ces efforts et en particulier des engagements pris par Hanoi, le flux des réfugiés du Viêt-nam commence à se réduire à l'automne. Les autorités vietnamiennes, il est vrai, utilisent pour interdire les départs illégaux des moyens souvent radicaux : en quelques mois, 4 000 personnes — trafiquants, fonctionnaires, intermédiaires facilitant les fuites, passeurs ou réfugiés imprudents — sont arrêtées. Certains sont exécutés. Quant aux départs légalement autorisés par Hanoi, ils sont encore rares.

La tragédie des boat people est l'occasion, non seulement au Viêt-nam, mais à Hongkong, à Singapour, en Malaysia, en Indonésie et en Thaïlande, de la mise en place d'un trafic dans lequel les fonctionnaires, les ; hommes d'affaires et les pirates qui infestent la mer de Chine ont eu leur part : ceux qui veulent partir doivent payer parfois jusqu'à 2 000 dollars l'autorisation de se déplacer, d'embarquer, acheter à prix d'or à des pêcheurs ou à des hommes d'affaires des navires qui ne sont que des coques de noix ou payer leur place sur des cargos tout juste bons pour la ferraille.

Sur les quelque 1 500 000 réfugiés qui ont quitté les trois pays d'Indochine depuis 1975, au moins 500 000 ont disparu, morts, noyés ou assassinés.

– Laos : depuis l'avènement du régime pro-communiste à Vientiane, 280 000 personnes, soit près de 1 Laotien sur 10, ont fui leur pays — partisans de l'ancien régime, montagnards H'mong et, plus récemment, fonctionnaires du nouveau régime en désaccord avec les orientations pro-vietnamiennes de leur gouvernement. À l'heure actuelle, 140 000 réfugiés laotiens, dont 85 000 H'mong, sont encore dans les camps de Thaïlande ; certains depuis 1976.

– Cambodge : après avoir fui durant quatre ans l'enfer de Pol Pot, c'est par centaines de milliers que les Cambodgiens se précipitent à marche forcée vers la Thaïlande, fuyant les combats entre troupes vietnamiennes et Khmers rouges ou tentant d'échapper à la famine.

L'exode du peuple khmer a pris, en novembre 1979, le relais des boat people. Femmes, enfants, vieillards affamés ou malades viennent mourir d'épuisement dans les camps d'urgence de la frontière. Les responsables thaïlandais ou ceux des organisations humanitaires sont submergés par ce flot auquel se mêlent toutes sortes de réfugiés temporaires : maquisards anticommunistes qui s'efforcent de recruter des troupes parmi les réfugiés, unités khmers rouges fuyant la poussée vietnamienne et venant se ravitailler en Thaïlande.

Sans espoir

Un million de personnes, soit un quart de la population cambodgienne, survivants de l'enfer de Pol Pot, auraient franchi la frontière entre octobre et décembre 1979. Certains ont, depuis, regagné le Cambodge, mais beaucoup vivent sans espoir de retour dans les gigantesques camps de Sakeo et Khao I Dang, soumis à tous les rackets, à tous les trafics, à toutes les exploitations. Réfugiés à peine tolérés par le pays qui les héberge, souvent dépourvus de statut légal, ils doivent parfois payer à prix d'or leur passage auprès des troupes thaïlandaises et acheter leur survie auprès des responsables de certains camps, petits seigneurs désireux de prendre sous leur contrôle un maximum de réfugiés afin d'obtenir des autorités et des organisations humanitaires vivres et médicaments dont à peine 30 %, dit-on, vont réellement à ceux qui en ont besoin.