Les foyers d'opposition traditionnels (ordres des avocats, des ingénieurs, des médecins, des pharmaciens ; communistes dissidents de Riyad el Turk et nassériens du Dr Jamal Atassi) stigmatisent par des grèves ou des distributions de tracts les tares du régime. Ils dénoncent la corruption, l'inflation (en février 1980, les prix du ciment et de l'essence augmentent respectivement de 30 % et de 55 % !) et l'absence de démocratie, malgré l'existence d'un Front national qui regroupe, autour du parti Baas dirigeant, le PC et quelques groupes nassériens. L'opposition proteste aussi contre le contrôle des principaux postes de commande politiques et militaires par la minorité alaouite (15 % de la population), au détriment de la majorité sunnite (70 % de la population).

La défection, le 27 décembre 1979, de Hammoud el-Choufi, vétéran du Baas et ambassadeur de Syrie à l'ONU, qui démissionne de son poste avec fracas, accroît le malaise.

Mais c'est surtout la contestation de plus en plus violente des intégristes religieux qui inquiète les autorités. Des attentats individuels, qui, depuis juin 1979, secouent presque quotidiennement Alep, Hama et Damas, les terroristes passent à la guérilla urbaine. Fin août, des incidents intercommunautaires font une vingtaine de morts à Lattaquié. En mars 1980, des commandos islamiques affrontent pendant plusieurs jours les forces de sécurité dans la vieille ville d'Alep. Bilan officiel des combats : 30 tués et plusieurs dizaines de blessés. Des mouvements séditieux, qui mettent aux prises sunnistes et alaouites, se produisent au sein même de l'armée, notamment à Hama et à Berzé (banlieue de Damas).

L'opposition intégriste

– Association des Frères musulmans, dirigée par Issam el-Attar, établi en Allemagne fédérale.

– Mouvement de libération islamique, animé par Cheikh Abdel Rahman Abou Ghoddé, réfugié en Arabie Saoudite.

– Phalanges de Mohammed. Chef : Abdel Salem al-Zaim.

– Parti de la libération islamique. Les leaders sont réfugiés en Jordanie.

Méfiance

Ces troubles se déroulent dans un contexte régional particulièrement délicat. Considérablement affaiblie par la « défection » égyptienne qui isole Damas face à Israël, l'armée syrienne se résout à évacuer, en mars 1980, certaines positions avancées qu'elle occupe à Beyrouth. Avec l'Arabie Saoudite, la Jordanie et la Turquie, soupçonnées d'abriter des terroristes, Damas entretient des relations empreintes de méfiance. Avec Bagdad, la lune de miel est terminée depuis l'exécution, le 28 juillet 1979, par le nouveau chef d'État iraqien Saddam Hussein, de plusieurs de ses compatriotes favorables à l'unité avec la Syrie. En avril 1980, plusieurs dirigeants de l'opposition au président Assad sont triomphalement accueillis à Bagdad, où ils participent à un Congrès populaire arabe. Appliquant la loi du talion, Damas donne aussitôt asile à des opposants chiites iraqiens.

Poussé dans ses derniers retranchements par l'action conjuguée de ses ennemis internes et externes, accusant la CIA de « commanditer les opérations terroristes », le président Assad infléchit sa diplomatie dans un sers beaucoup plus nettement progressiste et prosoviétique. À l'issue d'une visite à Moscou, du 15 au 17 octobre 1979, il obtient la livraison d'armements ; perfectionnés, notamment une centaine de chars T-72, des Mig-25 et 27. Conformément aux décisions du 7e Congrès régional du Baas, qui recommande en janvier 1980 le renforcement des relations stratégiques avec l'URSS., Damas s'abstient de condamner l'invasion de l'Afghanistan par l'armée rouge. Solidarité pour le meilleur et pour le pire. Les experts soviétiques présents en Syrie (il y en a 2 000 en tout) deviennent les cibles privilégiées des commandos islamiques. Coup sur coup, en janvier 1980, les bureaux de la compagnie Aeroflot à Damas sont soufflés par une explosion et 2 officiers supérieurs de l'armée rouge sont abattus. Une dizaine d'autres experts soviétiques sont assassinés en mai.

Durcissement

Le ministre des Affaires étrangères Abd el Halim Khaddam déclare en mars au Figaro : « Nous souhaitons un rôle accru de l'URSS au Proche-Orient. » Aussitôt, le PC syrien est autorisé à diffuser un journal, et l'accès à la fonction publique est ouvert aux militants communistes.