Prophétie qui révèle un empiétement du pouvoir exécutif sur le judiciaire, imprudemment avoué à quelques semaines de l'entrée en vigueur du premier Code pénal voté par l'Assemblée nationale en juin.

La démaoïsation homéopathique apparaît encore dans la modestie des célébrations du 30e anniversaire de la République, le 1er octobre 1979, et surtout lors des anniversaires de la mort (9 septembre) et de la naissance (26 décembre) de Mao Zedong. Prudence encore : après s'être lancées dans la libéralisation de l'après-maoïsme, les autorités penchent plutôt vers le maintien de l'ordre, garant de la poursuite de la paix sociale, des 4 modernisations. D'où la répression des manifestations, surtout à Pékin et Shanghai, les arrestations, procès, condamnations à la prison et même à mort (certaines provoquant des protestations dans le monde entier, de Sakharov à Amnesty International).

Adieu au mur de la démocratie

Signe de l'orientation voulue par la Chine de 1980, depuis le mois de mai, des panneaux publicitaires remplacent les affiches manuscrites (dazibao) sur ce qui fut pendant un an le célèbre mur de la démocratie de Pékin. Vivement encouragé par Mao lui-même, le droit à l'affichage est inscrit dans la dernière Constitution de mars 1978. La condamnation, le 16 octobre 1979, à 15 ans de prison du responsable de la revue Exploration, Wei Jingsheng, surchauffe l'atmosphère. Le 13 novembre, alors que des centaines de badauds se pressent pour acheter des numéros des revues Tribune du 5 avril et Forum du 4 mai publiant, croit-on, un compte-rendu du procès, une cinquantaine de policiers, hués par la foule, arrêtent trois vendeurs, après avoir molesté et frappé des personnes présentes, dont quelques journalistes. Moins d'un mois plus tard, le 6 décembre, est placardée une décision de la municipalité de Pékin applicable dès le lendemain : tout affichage est interdit et le mur de la démocratie est transféré en un endroit plus discret au parc de l'Autel de la lune. Encore les afficheurs devront-ils s'inscrire à un bureau d'enregistrement en donnant nom, pseudonyme, adresse, lieu de travail.

Planning familial

Autre contrainte, le planning familial, très fermement conseillé. La population, de 971 millions à la fin de 1979, s'est accrue en dix ans de 167 570 000 habitants (plus du triple de la population française). Son taux annuel d'accroissement n'a pas assez diminué. De 2,34 % en 1971, il est passé à 1,17 % en 1979. « Il doit être de 0,5 en 1985, pour atteindre 0 en l'an 2000 », affirme l'une des responsables du planning familial, Chen Mu-hua, qui annonce récompenses et sanctions. Pour les familles de 3 enfants et plus, des taxes et amendes (10 % du salaire au moins). Au contraire, une prime à l'enfant unique, avec, pour lui, priorité d'accès aux crèches, écoles, soins médicaux, emplois.

En attendant, si l'on en croit les statistiques officielles — pour la première fois aussi détaillées —, publiées le 30 avril 1980, les prévisions du plan économique ont été dépassées en 1979 (notamment pour la production de pétrole, 106 millions de t ; et de céréales, 332 millions de t). Mais, en même temps, les objectifs trop ambitieux de 1977 et 1978 et les taux de croissance ont été raisonnablement réduits et certains principes adoptés, comme le tassement de la production de l'industrie lourde au profit de l'expansion des industries légères et de la production de biens de consommation. Exemple, la production en plus forte croissance en 1979 est celle des 1 329 000 téléviseurs : 157,1 % de plus par rapport à 1978. À Pékin, leur vente s'emballe ; en 1965 : 1 000, 1977 : 40 000 ; 1978 : 70 000, 1979 (11 premiers mois) : 210 000. Plus spectaculaire encore est la vente des radiocassettes, passée à Pékin de 5 000 en 1978 à 40 000 en 1979.

Dans le même temps, on annonce pour bientôt un code postal, des annuaires téléphoniques (jusqu'alors très minces et volontairement confidentiels) et le téléphone à domicile pour les Shanghaiens. Cependant, même plus raisonnables, les ambitions économiques de la Chine, qui prépare un VIe Plan quinquennal (1981-1985), doivent être soutenues par tous les moyens : premières lois permettant les investissements étrangers, les entreprises mixtes (notamment de publicité) ou même totalement étrangères, des crédits, des emprunts contractés au Japon, au Canada, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, etc. Le couronnement de l'année étant l'entrée de la Chine populaire (à la place de Formose) au FMI et à la Banque mondiale, ce qui rend possibles des emprunts considérables à faible taux d'intérêt. Dans le même temps, Pékin lutte contre le marché noir et le trafic de devises en renforçant les contrôles douaniers et en imposant aux étrangers de payer par certificats de devises. La révolution la plus spectaculaire est l'invasion des emplacements débarrassés des dazibao et des slogans idéologiques officiels par d'immenses placards de publicité commerciale, en couleurs très vives, qui éclipsent un peu des millions de photos racontant la vie du réhabilité no 1 Liu Shaoqi. Parallèlement, la publicité envahit aussi les médias : journaux, radio, télévision.

Inflation et chômage

Avant même d'atteindre au développement des pays industrialisés, la Chine commence à souffrir de deux tares des sociétés capitalistes, chômage et inflation, jusqu'alors inconnues. En juillet 1979, le vice-Premier ministre Li Xianian évalue le nombre des chômeurs à 20 millions, pour la plupart des jeunes. Deux parades : la création d'emplois, stimulée par l'État, ou l'exportation de main-d'œuvre, qui renoue avec une ancienne habitude chinoise. En août 1979, une convention de cinq ans a été signée avec le Génie civil italien, auquel seront « loués » 400 000 Chinois destinés à participer à des travaux dans le tiers monde. Dans le même temps, la remarquable stabilité de la monnaie et des prix est mise en danger, le 1er novembre 1979, par la décision d'augmenter de 30 % les prix des denrées alimentaires, sauf ceux de la nourriture de base : riz et autres céréales. En compensation, les plus bas salaires sont augmentés : 5 yuans (environ 14 F) par mois, soit 10 % du salaire mensuel pour 100 millions de travailleurs.

Encerclement

L'armée aussi se modernise : le 18 mai 1980 est annoncé le « plein succès » du lancement d'un missile balistique intercontinental (suivi peut-être de 3 autres) vers le Pacifique sud (portée 10 000 km). Car « la guerre est inévitable... pas avant 20 ans je l'espère », affirme Deng Xiaoping le 17 avril. Avec le Viêt-nam, les pourparlers sont suspendus depuis janvier 1980. Depuis décembre 1979 avec l'URSS. Dénoncé en 1979, le traité d'amitié sino-soviétique expire en 1980 sans être renouvelé. Cependant, la nouvelle orientation de la Chine, qui oublie l'accusation de révisionnisme pour mieux réhabiliter Liu Shaoqi, pourrait créer des conditions propices à un rapprochement avec Moscou.