Plus que l'argent, c'est le goût de la compétition qui est à l'origine du succès que connaissent actuellement des jeux comme le bridge ou les échecs, dont s'occupe la Confédération des loisirs de l'esprit. Avec 23 000 adhérents en 1978, 27 comités régionaux en métropole et 24 représentants fédéraux outre-mer, la Fédération française de bridge est en plein essor. Il ne se passe guère de week-ends sans que des tournois soient organisés. Les joueurs capitalisent des points d'expert qui leur permettront (peut-être !) d'accéder aux championnats de France, d'Europe et — pourquoi pas ? — du monde.

Il est incontestable que les Français ont gardé un goût très vif pour les cartes : l'un des principaux fabricants imprime 130 000 jeux par jour. Des jeux un peu oubliés comme les tarots connaissent actuellement un regain de faveur.

Pierre Mac Orlan avait vu juste : « Il y a plus d'aventures sur un échiquier que sur toutes les mers du monde ». Lorsque se dispute un championnat au sommet comme les rencontres Fisher-Spassky ou Karpov-Korchnoï, même ceux qui n'ont jamais poussé du bois sont passionnés. Il y a une cinquantaine d'années, les échecs ont connu en France un développement considérable : c'est d'ailleurs notre pays qui a été à l'origine de la création de la Fédération internationale des échecs. Ce très ancien jeu n'a pas fini de séduire, parce qu'il est à la fois un loisir, un sport de compétition, un art. 11 000 licences individuelles sont délivrées actuellement par la Fédération et 3 000 scolaires ont été affiliés. Comme on peut utiliser la technique du jeu d'échec pour enseigner la logique, les universitaires sont favorables à leur introduction à l'école : à la fin de l'année 1978, vingt recteurs d'académie avaient déjà répondu favorablement. Un chiffre prouve la bonne santé de ce jeu : le public achète, chaque année, quelque 100 000 échiquiers.

Jeux de société

Les jeux de société — Président, Richesses du monde... — sont le reflet des préoccupations politiques et économiques actuelles. On comprend leur succès : qui refuserait d'entrer à l'Élysée ou d'être un magnat de l'industrie internationale, même si ce n'est qu'un rêve de quelques heures autour d'une table familiale ? Des jeux plus anciens — comme le Monopoly de notre enfance — se défendent parfaitement face à la réussite de jeux nouveaux — tels le Master Mind ou le Scrabble — ou dont l'exotisme extrême-oriental — comme pour le Go — est un puissant moyen de séduction.

Les jeux ont même conquis la librairie : des éditeurs — c'est le cas, notamment, des éditions Larousse et Nathan — se sont spécialisés dans la réalisation de puzzles. Plus de 200 000 sont vendus globalement chaque année. Il existe des sujets vedettes : les grands peintres — Manet, Monet, Renoir, Picasso — ou les paysages de neige. Des sujets de puzzle reflètent bien les goûts du public : les peintres naïfs, les affiches rétro, les photographies aériennes. Certains puzzles comprennent jusqu'à 4 000 pièces. Les reconstituer demande de six heures à trois semaines de travail. Et il existe, en province notamment, de véritables filières : après avoir réalisé un puzzle, les gens cassent leur œuvre et la donnent à des relations qui la transmettront à d'autres personnes.

Mais, à part de trop rares exceptions, l'industrie du jeu n'est pas française. Manque d'imagination ou manque de moyens ? Notre industrie est le plus souvent à la remorque des pays anglo-saxons. Pourtant, dans les entreprises les plus sérieuses, on invite les cadres de haut niveau à participer à des jeux de simulation. On se partage le monde... avant de passer à la pratique.

Le marché des jeux est certainement l'un des plus prometteurs. Le tiercé ne paraît pas avoir souffert de la montée du Loto. Y a-t-il encore une place pour le totocalcio ? La miniaturisation permet maintenant au joueur d'échecs de se mesurer à l'ordinateur. Des ordinateurs sont conçus pour servir de partenaire au bridge ou tenir le rôle de banquier au black-jack. Lorsque les réseaux de vidéo-transmission seront mis en place, des partenaires éloignés joueront au bridge ou aux échecs par le canal de leur écran de télévision.

L'activité ludique a toujours sa place au siècle de l'ordinateur. De simple distraction, elle tend à devenir un refuge : les voies de l'imaginaire permettent à un nombre de plus en plus grand de gens d'échapper aux réalités quotidiennes.