La collectivité juive est heureuse de constater que, dans cette lutte, elle n'est pas isolée. Aussi bien le Conseil de l'Europe sur un rapport de Anita Gradin (socialiste, Suède) que le Parlement européen ont les mêmes accents qu'eux pour proclamer leur solidarité avec les Juifs d'URSS et la condamnation de l'antisémitisme. De nombreuses municipalités socialistes adoptent ou parrainent des familles juives soviétiques ou des refusniki, du nom attribué aux Juifs qui refusent les contraintes du Kremlin et qui attendent, quelquefois depuis près de dix années, leur visa de sortie. C'est ainsi que la municipalité de Villeurbanne adopte la famille Oushichter et celle de Meyzieux, la famille Slepak.

Les condamnations au mois de juillet 1978 d'Anatoli Charanski, mathématicien juif, en lutte pour les droits de l'homme en Union soviétique même et de l'historien Alexandre Guinsbourg à treize et à huit ans de Goulag soulèvent dans le monde entier une grande émotion en raison du caractère arbitraire du procès.

Pourtant, les cas Charanski et Guinzbourg embarrassent quelque peu la communauté juive, car, de manière générale, les organisations juives ne veulent pas mêler le problème des dissidents qui réclament un changement de régime en Union soviétique à celui des Juifs qui demandent, eux, essentiellement, à émigrer. Les dirigeants juifs craignent que l'assimilation des deux cas n'en vienne à empêcher toute possibilité d'émigration, sans améliorer, d'aucune manière, le sort des dissidents. Guinzbourg, qui au demeurant n'est pas juif mais de religion orthodoxe — victime, cependant, d'injures antisémites en raison de ses origines juives —, sera libéré le 28 mai, échangé avec quatre compagnons, dont Kouznetsov et Mark Dimshitz, contre deux espions soviétiques détenus par les États-Unis.

La communauté juive est très sensible à la condamnation à la peine maximale d'assignation à résidence de Begun, un ingénieur mathématicien, et à celles de Vladimir Slepak, ingénieur électronicien, et d'Ida Nudel, une économiste de niveau universitaire (47 ans), condamnés à 5 et 4 ans d'assignation à résidence, loin de Moscou dans des régions au climat et aux conditions sociales particulièrement difficiles. Vladimir Slepak était l'âme du mouvement de contestation juive à Moscou ; quant à Ida Nudel, surnommée l'« Ange des prisonniers de Sion », elle symbolise la lutte des Juifs soviétiques.

Opinion américaine

Après sept ans d'attente et de brimades de toutes sortes, le professeur Benjamin Levich est enfin autorisé à émigrer en Israël. Israël Zalmanson, l'un des condamnés du procès de Leningrad en 1970 (Journal de l'année 1970-71), arrive en Israël à l'expiration normale de sa peine ; cinq autres condamnés de ce même procès (ils étaient accusés d'avoir projeté de détourner un avion pour s'enfuir d'URSS) sont libérés avec quatorze mois d'avance. La décision aurait été prise par L. Brejnev lui-même afin de satisfaire, dit-on, l'opinion américaine et particulièrement le Congrès, pour faciliter la signature des accords SALT. Il ne reste alors, au Goulag, avec d'autres prisonniers de Sion, qu'un seul juif parmi les condamnés de Leningrad : Joseph Mendelevich et deux non-Juifs : Youri Fedorov et Alexei Mourjenko. Cependant l'annonce, par les autorités soviétiques que seront autorisés à émigrer tous les Juifs ayant déposé une demande depuis plus de cinq ans est accueillie avec un immense espoir mêlé de circonspection.

Attentats

Mais l'antisémitisme en Union soviétique n'est pas un phénomène isolé. Il se manifeste en cette année 1979 en Amérique latine ou en Europe. Des synagogues sont incendiées (c'est le cas à Montevideo) ; une bombe endommage la synagogue de Zurich, une autre celle de Vienne. Ce dernier attentat est revendiqué par les Aigles de la révolution palestinienne. C'est cette même organisation qui avait revendiqué, un mois plus tôt, le premier attentat sanglant commis en France depuis la Libération : le mardi 27 mars 1979, une bombe, placée devant le Foyer israélite cachère de la rue de Médicis à Paris, blesse 26 personnes (3 d'entre elles sont dans un état extrêmement grave). Et la police de Vienne constatera des analogies avec l'attentat perpétré contre le Foyer d'étudiants juifs.