– Les sunnites ont reconnu la dynastie ommeyade, fondée par un lointain cousin de Mohammed, Moaouiya, après l'assassinat d'Ali, gendre du Prophète et quatrième calife.

– Pour les chiites, la légitimité islamique est assurée par les descendants directs du prophète par Fatma, épouse d'Ali : ils vénèrent ainsi douze imams, dont le dernier mourut à l'âge de douze ans, en l'an 329 de l'hégire (940 apr. J.-C.). Selon la tradition, ce jeune imam n'est pas mort et continue à vivre de manière mystérieuse au milieu de ses fidèles. Il apparaîtra pour restaurer sur terre la justice et la paix.

Pas plus que l'islam sunnite, le chiisme ne connaît pas de prêtres, mais il vénère des hommes reconnus pour leur valeur religieuse. L'ayatollah est élu parmi les meilleurs docteurs de la loi islamique et est alors reconnu comme une autorité suprême, comme la « voix d'Allah ». Il en fut ainsi pour l'ayatollah Khomeiny, élu en 1962 par les théologiens des universités coraniques chiites.

Retour à l'islam

La république islamique proclamée en Iran dans la nuit du 1er au 2 avril repose sur le Coran et, à ce titre — certains ont parlé de théocratie —, mêle inextricablement religion et politique. Par ses multiples déclarations, l'ayatollah Khomeiny renforce l'impact religieux de son régime. Il annonce ainsi qu'un ministère aura la tâche d'« ordonner la charité et de proscrire le mal » ; il menace de la « punition d'Allah » ceux qui oseraient s'opposer à son gouvernement. Pour lutter contre la mode et la corruption venues de l'Occident, il impose le port du voile aux femmes, ce qui ne va toutefois pas sans certaines protestations. Et les tribunaux islamiques prononcent leurs sentences pour « corruption sur terre... insultes à Dieu... lutte contre Dieu et l'imam »... L'ayatollah se range au nom du Coran dans le camp des ennemis d'Israël et dénonce violemment le communisme qui « est par nature contre la religion en général et l'islam en particulier ».

« L'islam est venu pour donner à l'homme toute sa dimension. Les lois de l'islam répondent aux besoins des hommes. Elles sont très claires... Toutes les lois individuelles, sociales et économiques sont contenues dans le Coran et dans la Tradition », avait déclaré, le 29 octobre, l'ayatollah, encore en exil à Neauphle-le-Château. De retour dans son pays, il met son programme en application. Il est trop tôt pour dire si ce retour à la tradition religieuse chiite est susceptible de fonder un État moderne.

Le triomphe de l'idéologie islamique en Iran est en tout cas salué avec ferveur par les Frères musulmans d'Égypte, qui opposent leur pensée intégriste (elle se traduit parfois par des actes de fanatisme) à la tradition de tolérance des musulmans libéraux. Il en va de même au Pakistan, où le chef de l'État, le général Zia Ul-Haq souligne le « triomphe simultané » de l'islam dans son pays et en Iran. En effet, le 10 février, le Coran et le recueil des traditions islamiques, la Sunna, sont devenus « loi suprême du Pakistan ». Et, tout comme en Iran, les châtiments corporels prévus par le Coran pour divers délits (vol, adultère, consommation d'alcool) sont remis en vigueur.

Expansion de l'islam

Tandis que l'importante université du Caire Al-Azhar fonde en haute Égypte, à Minieh, une annexe qui amplifiera son rayonnement intellectuel sur le monde musulman et renforcera le caractère islamique de l'Égypte malgré l'importante minorité de six millions de chrétiens, le Sénégal songe, lui aussi, à fonder un centre d'études. L'université de Louga, capitale de la huitième région du Sénégal, sera ainsi la première université islamique de l'Afrique de l'Ouest.

Les musulmans d'Europe prennent eux aussi conscience de leur identité et de leur appartenance religieuse. Ainsi, à Londres, doit être fondée uns nouvelle station de radio, la voix de l'islam, qui se donne pour tâche de lutter contre le matérialisme et l'athéisme dans le monde. Le Centre cultural islamique de Cologne, parlant au nom d'environ 1 400 000 musulmans, essentiellement turcs, résidant en RFA, a demandé que la loi allemande reconnaisse l'égalité des droits civils aux musulmans comme aux chrétiens. Et la communauté islamique s'est déclarée prête à promouvoir l'intégration de ses membres dans la société allemande « avec tous les droits et devoirs qui en découlent ».

Poursuite du dialogue

Malgré des actes de fanatisme isolés — comme l'incendie de l'église copte Sainte-Marie, dans le vieux Caire — les relations entre musulmans et chrétiens ne cessent de s'améliorer. Commentant le renouveau de l'islam dans leur pays, les évêques catholiques du Pakistan ont ainsi appelé leurs fidèles à combattre aux côtés des musulmans « les ennemis réels : une vision sécularisée de la vie, l'adoration de la richesse, la corruption, l'oppression ».