Pour relever ce défi, le gouvernement avait nommé en 1974 puis confirmé en 1977 président de la SFP Jean-Charles Edeline, connu, notamment, pour avoir entièrement rénové le circuit d'exploitation des salles UGC, en modernisant et en multipliant les salles de projection. Cet empereur du grand écran semblait avoir très bien compris que, plutôt que de jouer une concurrence stérile entre le cinéma et la télévision, il valait bien mieux miser sur la spécificité de chaque moyen d'expression. Les projets étaient nombreux et grandioses : il fallait attirer le monde du cinéma, pourtant attaché à ses habitudes et plutôt méfiant à l'égard du petit écran ; conserver la confiance et le marché des trois chaînes face à la concurrence des sociétés privées ; explorer les nouvelles techniques de communication (comme la Vidéotransmission) et être les premiers à les exploiter. Or, sur les trois fronts, la SFP rencontre de graves contrariétés.

– Le cinéma : la SFP entreprend sur 25 hectares, à Bry-sur-Marne, la construction de 8 studios mixtes (TV et cinéma), un vrai Hollywood français. Mais le monde du cinéma ne se laisse pas séduire par les perspectives, et les quelques coproductions SFP, comme le dernier Alain Resnais, Providence, se soldent par des échecs commerciaux.

– La télévision : la SFP rachète la salle de l'Empire à Paris, et en fait une rutilante salle de spectacle, parfaitement équipée pour les retransmissions de jeux et de variétés. Coût de l'opération : 40 millions de F. Elle n'aura guère servi qu'aux Bon dimanche de Jacques Martin (A2) et aux émissions de variété de Guy Lux.

Que faire lorsque, sur le marché international, les Anglais et les Américains proposent à des prix sans comparaison, des téléfilms, des shows, des dessins animés, bref le prêt-à-diffuser à bon prix ?

– Les techniques nouvelles : la SFP et son président ont misé sur la Vidéotransmission. De Paris, on envoie directement sur les écrans de cinéma d'Issoire ou de Clermont-Ferrand une médicale, un spectacle à l'Olympia, une compétition sportive. Succès de curiosité, certes, mais y a-t-il un véritable avenir pour une technique si coûteuse ?

C'est donc l'impasse : pour fin 1978, on prévoit un déficit de 200 millions de F. En octobre, le personnel se met en grève. Jean-Charles Edeline, éloigné de ses fonctions puis démissionnaire, est remplacé par Bertrand Labrusse, un conseiller de la Cour des comptes, qui préconise un allégement des effectifs, des économies sur les investissements prévus (surtout à Bry-sur-Marne), l'abandon des activités de la société Vidéogrammes de France. Interrompue au moment des fêtes pour ne pas troubler la diffusion entre Noël et la nouvelle année, la grève reprend en février : l'État consent à verser 250 millions dans les caisses de la SFP en échange d'un plan de redressement rigoureux.

Les syndicats n'entendent pas le même langage : pour eux, la situation est la conséquence directe de la réforme de 1974. L'État doit donc prendre ses responsabilités. Accepter les licenciements et la restructuration, c'est se résigner à un nouveau démantèlement, à une liquidation de la société ; c'est donc une menace pour ses 3 000 employés. Antoine de Clermont-Tonnerre, qui a succédé à Bertrand Labrusse le 15 janvier 1979, annonce un « cruel mais salubre » plan de restructuration : 424 licenciements, 130 reclassements ou départs négociés, plus 200 pour les deux ans à venir.

Le 21 mars, la grève du personnel de la SFP auquel se joignent ceux de TF1, A2, FR3 et Radio-France est suspendue : les syndicats s'accordent un temps de réflexion et attendent de la direction des propositions concrètes. Le 13 avril, 413 licenciements sont publiés, et on nomme le président de la RFP (Régie française de publicité), Philippe Le Menestrel, responsable de la commission de reclassement. Aussitôt la grève reprend, mais sans enthousiasme, jusqu'à l'annonce de négociations et de la réunion du comité d'entreprise chargé d'examiner les réformes envisagées. Le travail reprend alors dans une sorte de résignation teintée de compromis.