Journal de l'année Édition 1979 1979Éd. 1979

Il n'empêche que le SME est une importante innovation dans la vie de la Communauté européenne. De même que la définition d'une attitude commune face à la deuxième crise du pétrole, lors du Conseil européen de Strasbourg, les 21 et 22 juin 1979. Jusqu'alors la politique de l'énergie avait été en quelque sorte un échec exemplaire d'une Communauté née, pourtant, sur le charbon (Ceca) et sur le nucléaire (Euratom). À Strasbourg, les Neuf s'engagent à plafonner leurs importations de pétrole, à développer les énergies nouvelles (notamment le nucléaire), à surveiller les marchés pétroliers et à procéder à des économies d'énergie. Cette position commune devait être décisive lors du sommet de Tokyo, quelques jours plus tard. Les États-Unis, le Japon et le Canada se sont pratiquement ralliés à la position européenne, alors qu'ils ne l'auraient certainement pas fait si ces propositions avaient été le fait de tel ou tel pays européen. Parallèlement, la Communauté en tant que telle devait engager, le 30 juin, une concertation avec l'OPEP.

Marchandage commercial

C'est également parce que l'Europe a pu négocier d'une seule voix, que le grand marchandage commercial engagé en 1973 à Tokyo dans le cadre du GATT (d'où son nom, Tokyo Round) a pu aboutir le 12 avril 1979 à Genève. On pouvait craindre que la crise ne conduise cette négociation à un échec complet. Même si les résultats sont limités, ils marquent un coup d'arrêt à la renaissance du protectionnisme. Sur le plan tarifaire, les accords prévoient un nouvel abaissement des tarifs douaniers, dans tous les pays industrialisés, d'environ un tiers en huit ans. L'Europe se réserve d'interrompre au bout de cinq ans son démantèlement à l'égard du reste du monde, si Japonais et Américains ne tiennent pas leurs engagements (cela s'est déjà vu). L'Europe obtient la reconnaissance officielle par les États-Unis de son droit à avoir une politique agricole commune. En outre — c'est le point le plus important —, les États-Unis s'engagent à donner la priorité aux règles du GATT sur leur législation nationale. Car, jusqu'à présent, Washington imposait, au nom du GATT, aux autres pays des décisions que les Américains n'appliquaient pas eux-mêmes parce que le Congrès n'en voulait pas. C'était l'expression la plus spectaculaire de l'impérialisme américain. Reste à savoir si le Congrès acceptera cette disposition. La Communauté européenne s'est réservée de retirer son propre accord si le Congrès américain ne ratifiait pas le nouveau traité. C'est ainsi que les Américains ne devraient plus pouvoir imposer, à l'entrée aux États-Unis, des droits de douane sur certaines marchandises étrangères calculés non pas en fonction de la valeur de ces marchandises, mais en fonction des prix des produits américains équivalents.

Si les résultats du Tokyo Round ne sont pas négligeables pour les pays riches, ils sont maigres pour les pays pauvres, qui font les frais de la crise. La cinquième conférence de la CNUCED, qui s'est tenue à Manille en mai 1979, devait confirmer cette tendance. Cette vaste confrontation économique, organisée sous l'égide de l'ONU, entre pays riches et pays pauvres (de l'Ouest et de l'Est) marque un net durcissement de part et d'autre. De toute façon, l'engagement pris voilà dix ans de porter l'aide publique au tiers monde à 0,70 % du produit national des pays riches est de moins en moins respecté, puisqu'on n'en est plus qu'à 0,32 %. De même, un Fonds commun de stabilisation des matières premières (principales ressources des pays pauvres), dont la création avait été décidée à la précédente CNUCED qui s'était tenue en 1976, à Nairobi, n'a encore recueilli, en juin 1979, que le cinquième des fonds initialement prévus. Seuls les plus misérables des pays pauvres ont obtenu, à Manille, la promesse de quelques remises de dettes (de la part de la France, notamment).

Toutefois, la Communauté européenne peut toujours se vanter d'avoir conclu avec certains pays du tiers monde (57 pays, principalement africains), une convention qui reste exemplaire. Il s'agit de la Convention de Lomé, conclue en 1975 et qui devait être renouvelée en 1979. Cette convention prévoit que les produits fabriqués dans ces pays pauvres peuvent entrer en franchise de douane dans la Communauté. Mais sa principale originalité est de mettre en place un système de stabilisation des recettes tirées par les pays pauvres de l'exportation des produits de base agricoles (système dit STABEX).