Il y a une difficulté de taille. La réglementation interdit aux communes de prendre des participations directes — financières et commerciales — dans des entreprises. Il faut trouver des biais : ici on mettra à la disposition d'une entreprise un terrain viabilisé, là on exonérera de patente l'usine pendant 5 ans, là on construira des logements pour les ouvriers, ailleurs on construira une usine-relais. Dans certaines villes, Nîmes par exemple, les rivalités politiques empêchent municipalité et chambre de commerce de compléter leurs efforts. Chaque partie a son terrain de chasse et ignore superbement l'autre. Ailleurs, on se répartit les rôles et la coopération n'en pâtit pas. C'est le cas, par exemple, à Chalon-sur-Saône. Dans la programmation du développement économique les responsables consulaires et la municipalité ont marché du même pas.

Il fallait bien d'ailleurs que les responsables locaux prennent des initiatives, puisque, dans cette région située sur l'axe Le Havre-Paris-Dijon-Lyon-Marseille et jugée saine par la Datar, on ne pouvait compter sur aucune aide de Paris. Écoutons le maire de Chalon-sur-Saône : « Nous nous sommes réparti les tâches. À la chambre de commerce les zones industrielles et fluvio-portuaires, à la ville les choix d'urbanisme. D'ailleurs, il faut réviser notre schéma d'aménagement et notre plan d'occupation des sols. Il faut que les villes, sortant de leurs strictes frontières municipales, raisonnent en termes de bassin d'emploi. L'expansion de Chalon doit se faire en dehors de Chalon... »

À Besançon, où l'affaire Lip tient la vedette depuis septembre 1973 (Journal de l'année 1973-74), la ville a proposé de racheter pour 8 millions de F les terrains de l'usine de Palente. Les créanciers de Lip (ils sont 1 200) s'y sont opposés et le syndic a dû notifier un « non » au maire de Besançon. Résultat : l'affaire reste bloquée.

Associations

L'extraordinaire développement des associations oblige les maires et les élus locaux et départementaux à se mettre constamment à l'écoute des citoyens. Le sentiment selon lequel on ne participerait à la vie politique de la cité que tous les six ans, au moment des élections municipales, est définitivement balayé. Ici ce sont les associations sportives qui fleurissent, ou les groupes culturels. Ailleurs, ce sont des comités de défense qui se constituent à propos d'opérations d'urbanisme ou d'aménagement d'espaces verts. La banlieue sud de Paris est constellée d'associations qui, par des manifestations ou des procédures judiciaires, bloquent la réalisation de la rocade autoroutière A 87. À Toulouse, c'est aussi une association qui s'oppose à la réalisation d'une voie rapide sur les berges du canal. La municipalité doit se ranger à cet avis.

Sur la côte Aquitaine, la fondation Espace pour demain, relayée par des comités locaux, empêche qu'une ZAC, avec plusieurs centaines de logements, soit aménagée sur les rives du lac d'Hourtin.

Pour prendre en compte ces besoins de participation quotidienne aux décisions qui intéressent la collectivité communale, presque toutes les villes créent qui des commissions extramunicipales, qui des comités de quartier parfois autogérés par les habitants eux-mêmes.

Les régions, qui ont cinq ans, souhaitent, elles aussi, prendre un peu d'aise par rapport à la tutelle technique, administrative, financière et politique de l'État. Mais comment ? Leurs budgets restent dérisoires, et le resteront, tant que l'État ne voudra pas faire sauter le verrou du plafond fiscal de 45 F par habitant.

Budget

Si bien qu'une région comme la Basse-Normandie, qui a décidé de voter le maximum de ressources fiscales, ne dispose que de 69 millions de F. Grâce à un fort emprunt de 100 millions, les Pays-de-Loire peuvent monter jusqu'à 243 millions de F. Rhône-Alpes, plus peuplée, a, en 1978, un budget de 283 millions de F.

Quant au Nord-Pas-de-Calais, le conseil régional a décidé de lancer avec l'État une politique contractuelle originale. Son président, Pierre Mauroy, sait que, au plus haut niveau, l'État se montre réticent dès qu'on parle de régionalisation. Mais, sur certains dossiers spécifiques de la région, et bien étudiés par les élus, il doit être possible de nouer un dialogue institutionnel et pluriannuel. Le Premier ministre, Raymond Barre, a été sensible à ces arguments et, le 25 novembre 1977 à Matignon il a accepté à 80 % un plan que lui avait proposé une délégation d'élus du Nord-Pas-de-Calais.