René Haby crée 450 classes maternelles supplémentaires et débloque 3 000 emplois dans le secondaire, ce qui permet de recaser plus de 4 000 auxiliaires déjà en fonctions l'an passé : il satisfait ainsi les revendications les plus pressantes du Syndicat national des instituteurs, et désamorce en partie celles du Syndicat national des enseignants du second degré, même si celui-ci évalue à 17 000 le nombre d'auxiliaires remplissant les conditions de titularisation. Le SNI utilise seulement les possibilités offertes par un blocage temporaire des conseils d'école pour obtenir des allégements de service des directeurs d'école et la promesse de l'abaissement à 25 de l'effectif dès la deuxième année d'école primaire (la première du cours élémentaire).

Les habituels incidents de rentrée ne donnent lieu à aucune grève. Pendant l'hiver, on s'émeut cependant ici ou là du non-remplacement d'instituteurs en congé, ou de la sécurité des CES construits avec des procédés industrialisés comme le CES Pailleron (Journal de l'année 1972-73). Le procès des responsables de la construction Pailleron a enfin lieu le 17 novembre. Mais en réalité tous les esprits sont tournés vers les élections législatives du 12-19 mars 1978.

Remous

Aussi les syndicats font-ils preuve d'une certaine modération. Ils ne font connaître qu'en février leurs demandes en cas d'une victoire des partis de gauche : le SNES juge nécessaire la création échelonnée de 70 000 postes. Pour André Henry, secrétaire général de la FEN, il s'agit de créer une « dynamique sociale », mais on ne saurait attendre de la gauche qu'elle fasse « tout et tout de suite ». Les syndicats d'enseignants sont gênés aussi par le conflit entre le PC et le PS. Au congrès de la FEN, André Henry demande l'abrogation de la loi Debré et adresse une mise en garde aux communistes au cas où ils refuseraient de se désister pour des socialistes mieux placés aux élections. Cette prise de position provoque quelques remous au Congrès.

Le congrès de la FEN

La FEN (elle groupe 44 syndicats nationaux et 550 000 adhérents) célèbre son trentième anniversaire à l'occasion de son congrès de Nantes (30 janvier-3 février). Congrès sans surprise, qui voit la tendance majoritaire Unité, indépendance et démocratie recueillir 56,5 % des mandats, soit une progression de 0,6 % par rapport au congrès de 1976. Cette hausse est légère, mais confirme la bonne tenue des partisans de l'autonomie contre ceux de la tendance Unité et action animée par les communistes et qui enregistre une très légère diminution de son influence : 33,6 % des mandats contre 33,8 %. Les autres tendances se partagent le reste : 5 % pour l'École émancipée, 3,3 % pour le Front unique ouvrier d'orientation trotskyste et 1,4 % pour le courant Éducation et autogestion. Pour les responsables de la direction nationale, dans le contexte préélectoral du congrès, l'essentiel est, dans les débats, de ne rien faire qui puisse accréditer l'idée d'un affrontement entre socialistes et communistes au sein de la fédération. Expliquant le caractère feutré des débats, André Henry, secrétaire général, devait ainsi résumer les discussions du congrès : « Tous, nous avons cherché à préserver l'outil syndical. » Sur le thème de la laïcité, alors que le parti socialiste avait relancé le débat sur la nationalisation de renseignement privé par l'intermédiaire de Louis Mexandeau, la tendance majoritaire de la FEN ne devait pas avoir de mal à imposer une ligne intermédiaire entre les anticléricaux de l'École libératrice et les anticapitalistes des tendances gauchistes dénonçant le caractère désuet de cet anticléricalisme rituel. Si près des élections, personne n'envisageait de rallumer la guerre scolaire.

Politisation

Le gouvernement et la majorité lancent une première offensive contre la politisation : on craint que les fonctionnaires n'exécutent qu'avec mollesse les ordres du gouvernement et que la campagne lancée contre la réforme Haby par les partis de gauche, et singulièrement le PC, comme par les syndicats d'enseignants, ne prenne dans l'opinion. La majorité monte en épingle quelques incidents qui contrastent avec la dépolitisation des lycées et essaie d'exploiter l'engagement à gauche de nombreux enseignants. René Haby s'inquiète devant le Sénat de l'utilisation des enfants par ses opposants. Alice Saunier-Seïté accuse les communistes de vouloir mettre la main sur l'enseignement supérieur, ou, à défaut, de tenter de le subvenir. Et dans sa brochure consacrée à l'éducation, le RPR n'hésite pas à affirmer qu'« un cancer ronge l'éducation, qui a nom politisation », évoquant le « militantisme débridé » d'enseignants « irresponsables » et « la surenchère d'organisations syndicales » où communistes et socialistes sont alliés et concurrents... Parallèlement, les partis de la majorité dénoncent aussi l'attitude « intolérante » de la gauche sur l'enseignement privé.

Aide à l'école libre

Le problème de l'école libre domine l'actualité préélectorale : ses défenseurs, qui redoutent une nationalisation, profitent de la proximité des élections pour obtenir de nouveaux avantages.