Il serait temps. Étranglé par une fiscalité trop lourde (avec notamment un taux de TVA de 17,6 %, contre 7 % pour les autres formes de spectacles) le cinéma a surtout jusqu'ici cherché de l'aide du côté des pouvoirs publics. Sans aucun succès : cette année encore, le Plan d'Ornano, d'ailleurs fort peu concret, et annoncé juste avant les élections, risque fort, changement de ministre aidant, de rester en l'état de vœu pieux. Mieux vaudrait, pour les professionnels du 7e art, une solide autocritique : si leurs films n'ont pas de succès, c'est peut-être parce qu'ils ne sont pas très bons ?

On ne peut, désormais, nier la crise d'inspiration du cinéma français. On a pu croire un moment que le salut viendrait de Molière, avec la fresque d'Ariane Mnouchkine chargée du lourd honneur de représenter la France à Cannes. Espoir déçu... Et, une fois de plus, à part un demi-prix d'interprétation attribué à Isabelle Huppert pour son rôle dans Violette Nozière, de Claude Chabrol, la France est absente du palmarès de cette manifestation, qui reste la plus importante pour le 7e art du monde entier.

France

D'une production honorable, mais globalement grise, c'est une première œuvre qui sort du lot. Film événement, moins pour ses qualités que pour sa fabuleuse réussite commerciale. Diabolo menthe, coiffant sur le poteau du box-office toutes les autres œuvres françaises, restera dans les annales de la production comme un joli coup de poker. Un auteur inconnu (ancienne comédienne), Diane Kurys, pas de vedettes, un tout petit budget : cette chronique, fraîche et sensible, de la vie lycéenne des années 60, interprétée par deux adolescentes très naturelles, réédite l'exploit de À nous les petites Anglaises.

Ses deux héroïnes ont, en tout cas, supplanté dans le cœur des spectateurs à la fois Jean-Paul Belmondo, dont les acrobaties languissantes dans L'animal n'ont guère convaincu, et Louis de Funès et Annie Girardot, couple vedette de La zizanie. Claude Zidi, auteur de ces deux onéreux divertissements à la française, n'a pas retrouvé ses scores précédents.

Inchangée, en revanche, la verve spirituelle d'Yves Robert, qui a imaginé pour ses quatre complices d'Un éléphant ça trompe énormément (Bedos, Rochefort, Brasseur, Lanoux) de nouvelles et sympathiques aventures dans l'amusant Nous irons tous au paradis.

Un peu dans la même veine, Tendre poulet, aimable marivaudage amoureux entre un professeur musicien et une commissaire de police (Philippe Noiret et Annie Girardot) a replacé Philippe de Broca en bonne place au box-office. Il y est suivi par Michel Lang, moins inspiré avec son Hôtel de la plage qu'avec ses petites Anglaises.

Adaptations

Accusé de faiblesse au niveau des scénarios, le cinéma, cette année, a tourné plusieurs fois la difficulté en adaptant des romans à succès. Avec des bonheurs divers. Deux prix Goncourt ont été portés à l'écran : La vie devant soi, d'Émile Ajar, et L'État sauvage, de Georges Conchon. En s'attaquant au premier, Moshe Mizrahi tentait une impossible gageure. Aussi s'est-il contenté de mettre l'histoire à plat, aussi honnêtement que possible. Le succès de ce film – et son oscar hollywoodien – repose sur l'interprétation fascinante de Simone Signoret, énorme, enlaidie à l'extrême, superbe, bouleversante.

Pour tourner L'état sauvage, Jacques Rouffio a fait appel, lui, à l'auteur, qui co-signe l'adaptation. Vigoureux, efficace, très bien interprété, le film a bénéficié d'un rendez-vous, non prévu, avec l'actualité, l'Afrique étant au centre de nos préoccupations.

Également tiré d'un prix littéraire célèbre de René-Victor Pilhes, L'imprécateur a connu un sort moins enviable. Jean-Louis Bertucelli, malgré une brochette de grands comédiens, n'a pas su conserver le mordant du roman.

En revanche, Pierre Schoendoerffer, romancier, n'a eu qu'à se louer de Pierre Schoendoerffer, cinéaste : son Crabe-Tambour, romantique saga de la nostalgie militariste, avec ses très belles images de mer et l'interprétation insolite de Jean Rochefort, couronné par un César, restitue sans trahison l'esprit et la lettre du livre.