Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

Les ventes à l'étranger ont été, pendant toute l'année 1977 et encore au premier semestre 1978, le principal moteur de l'économie française, tournant à un rythme supérieur à 6 % l'an. Deuxième moteur : la consommation des particuliers, qui a progressé, elle, pendant la même période, au rythme de 3 % l'an environ. Cette progression a d'ailleurs été alimentée plus par la croissance des prestations sociales que par celle des salaires directs.

La décélération des salaires constitue, après le redressement du commerce extérieur, la conséquence la plus visible de la politique de Raymond Barre, dont ce fut, dès le début, un objectif fondamental. Les syndicats et la gauche l'ont assez reproché au gouvernement ! L'évolution du salaire réel (c'est-à-dire après déduction de la hausse du coût de la vie) par salarié est éloquente à ce sujet (en %) :

1971......... + 5,3

1972......... + 3,2

1973......... + 5,6

1974......... + 3,3

1975......... + 3,7

1976......... + 3,0

1977......... + 2,6

(Rapport de la Commission des comptes de la nation, année 1977).

Prix

C'est pour réaliser cette opération que R. Barre avait bloqué les prix à son arrivée au gouvernement en 1976, puis abaissé la TVA début 1977 de telle sorte qu'une certaine décélération des prix — en l'occurrence, parfaitement artificielle — précède, et par-là justifie, celle des salaires. Dans le même but, le gouvernement a remis en cause, en 1977, l'accord EDF sur l'évolution automatique du pouvoir d'achat. En d'autre temps, cette remise en cause aurait provoqué une vague de conflits sociaux. Il n'en a rien été en 1977, parce que les syndicats attendaient la victoire de la gauche aux élections pour prendre leur revanche.

Le freinage des salaires s'est poursuivi au début de 1978. La hausse des salaires horaires au 1er trimestre 1978 a été la plus faible enregistrée depuis 1969 : 2,2 %. Les prestations sociales (y compris les indemnités de chômage) ont continué, en revanche, de croître rapidement ; elles se sont accrues, en valeur réelle, de 6,4 % en 1977 contre 5,9 % en 1976. Or elles représentent 30 % du revenu disponible des Français. Ce sont elles qui ont soutenu la consommation pendant toute la période. Cela permet de constater une fois de plus que les systèmes de protection sociale constituent un frein efficace pour éviter qu'une dépression économique tourne à la catastrophe.

Investissements

Si les ventes à l'étranger ont tiré l'économie française en avant en 1977, si la consommation a empêché tout effondrement, les investissements, en revanche, ont nettement freiné la croissance. C'est le moteur qui a tourné le moins vite. On peut même dire qu'il a tourné à l'envers en 1977, année durant laquelle les investissements ont diminué de près de 1 % pour ce qui concerne l'équipement des entreprises, et de près de 2 % pour ce qui concerne l'équipement des particuliers, c'est-à-dire le logement.

Tant que les élections n'avaient pas eu lieu, on pouvait penser que les entreprises s'abstenaient d'investir pour des raisons politiques. Mais il y avait aussi deux autres raisons : les difficultés de financement et les incertitudes sur les commandes. On n'achète pas une machine neuve tant que l'on n'est pas sûr de pouvoir écouler les produits qu'elle fabriquera. Ce fut, d'ailleurs, un des thèmes de la controverse entre le gouvernement et l'opposition pendant la campagne électorale. En freinant les salaires, disait R. Barre, je fais d'une pierre deux coups : je ralentis la hausse des prix et je reconstitue les profits des entreprises, grâce auxquels celles-ci pourront investir et créer des emplois. Nullement, répliquait la gauche : en freinant les salaires, vous freinez la consommation, donc vous découragez les entreprises d'investir, et vous élevez les coûts par unité produite, donc vous entretenez l'inflation.

Budget

Pour ne pas compromettre sa politique de lutte contre l'inflation, le gouvernement a mené une politique budgétaire prudente, malgré un déficit de 19 milliards de F en 1977 contre 17 milliards en 1976 et 37 milliards en 1975. Pour 1978, le déficit probable, tel qu'on l'estimait durant l'été 78, devait se situer entre 20 et 25 milliards de F. Mais ces déficits sont dus davantage à des pertes de recettes fiscales, à cause du ralentissement de l'économie, qu'à un surcroît de dépenses. La théorie de R. Barre est qu'un déficit budgétaire est tolérable en période de chômage, mais qu'il ne doit pas excéder ce que l'économie peut financer avec de l'épargne, à l'exclusion de tout recours à la planche à billets, c'est-à-dire à la création monétaire pure et simple.