Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

Conjoncture

Le libéralisme contre la crise

C'est bien la première fois qu'un gouvernement gagne des élections après avoir mené une politique d'austérité. Le succès, d'une ampleur imprévue, de la majorité aux élections de mars 1978, n'a fait que confirmer Raymond Barre dans ses certitudes et a pratiquement contraint le chef de l'État à demander à son Premier ministre de rester en place, alors que tout le monde prévoyait son départ.

Purge

Bien loin d'assouplir sa politique au lendemain du scrutin, R. Barre a décidé d'accentuer la purge.

L'économie française n'est donc pas sortie de la « croissance molle » en 1977-1978. La production aura pratiquement progressé en deux ans autant qu'elle devait augmenter en une seule année d'après les objectifs du VIIe Plan (1976-1980), c'est-à-dire entre 2,5 et 3 % par an, au lieu de 5,6 à 6 %. Le gouvernement a d'ailleurs demandé une révision du VIIe Plan qui a eu lieu durant l'été 1978.

Les élections de mars n'ont provoqué, en France, aucune politique de relance. La reprise spontanée que l'on pouvait attendre d'une défaite de la gauche, bien accueillie dans les milieux d'affaires, n'a été elle-même que très modérée. Les industriels ont plutôt profité de cette défaite, qui mettait les syndicats en situation de faiblesse, pour achever l'assainissement de leur entreprise, c'est-à-dire, dans bien des cas, pour licencier du personnel ou, tout au moins, pour ne pas remplacer les salariés qui s'en allaient. Le gouvernement n'a rien fait pour les en dissuader, au contraire. En laissant l'affaire Boussac tomber en faillite, les pouvoirs publics ont voulu faire un exemple, c'est-à-dire démontrer aux industriels qu'il ne fallait pas compter sur l'État pour secourir les canards boiteux.

Programme

Le fait dominant de la période a donc été un retour volontaire vers un plus grand libéralisme dans la conduite de l'économie. C'était l'axe du Programme de Blois sur lequel la majorité s'est fait réélire. C'est l'axe du discours-programme que le Premier ministre prononce devant l'Assemblée nationale en avril 1978. Son objectif prioritaire : « parvenir, d'ici à 1980, au rétablissement durable de nos grands équilibres et renforcer notre appareil de production... ». Les moyens : maintenir le rythme de croissance de l'économie française à un taux compatible avec l'équilibre du commerce extérieur ; geler pendant deux ans les principaux impôts (impôts sur les revenus, sur les bénéfices et TVA), afin de ne pas alourdir les charges des entreprises ; rendre la liberté des prix aux industriels ; intensifier la concurrence à l'intérieur et à l'extérieur pour que cette liberté ne dégénère pas en laxisme ; relancer la Bourse pour permettre aux entreprises d'y trouver des capitaux. (C'est ainsi que le Parlement a voté une loi permettant de consacrer 5 000 F par an à l'achat d'actions, en franchise d'impôts.) La contrepartie sociale de cette politique axée sur le renforcement des entreprises tient en trois points : favoriser l'emploi des jeunes ; réduire les inégalités ; donner une nouvelle impulsion à la politique contractuelle entre patrons et syndicats.

Tout au long de la période, que ce soit avant ou après les élections, R. Barre s'est donc refusé à faire une relance générale de l'économie. Une telle relance, selon lui, n'aboutirait nullement aux objectifs recherchés — c'est-à-dire à la réduction du chômage —, car elle provoque d'abord un déséquilibre extérieur et une relance de l'inflation intérieure qui oblige tout gouvernement à réagir par un plan d'austérité renforcé, avant même que le nombre de chômeurs ait diminué de façon significative. Et le Premier ministre prend l'exemple de ce qui s'est passé, lors de la relance Chirac-Fourcade en 1975-1976, pour appuyer sa démonstration. Certes, le taux de croissance de la production est passé de – 0,1 % en 1975 à + 4,7 % en 1976. Mais, parallèlement, le solde du commerce extérieur est passé d'un excédent de 6,8 milliards en 1975 à un déficit de 22,8 milliards en 1976, le taux d'inflation est repassé au-dessus de 10 % l'an en 1976 et le chômage n'a pas diminué pour autant : 804 000 chômeurs à la fin mai 1975 ; 926 000, fin mai 1976.

Croissance

La conviction du Premier ministre est que la France ne peut avoir — sans risque pour sa monnaie — une croissance sensiblement plus forte que celle de ses principaux partenaires commerciaux, en particulier que l'Allemagne. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement français accorde une importance toute particulière à la concertation internationale. Tout au long de l'année 1977, celle-ci a été décevante. Les pressions sur le Japon et sur l'Allemagne pour que ces deux pays, qui ont un fort excédent extérieur, prennent des mesures de relance de leur économie, afin de servir de locomotives à tout l'Occident, ne donnent pratiquement aucun résultat.