Compte tenu des « graves problèmes économiques que les pays industriels affrontent à leur tour », les experts de Prospective et Aménagement doivent, en toute humilité, conclure leur volumineux dossier par cette simple (si l'on peut dire) question : « Existe-t-il des tendances propres à la spatialisation des emplois tertiaires dans un système économique libéral ? Et ces emplois peuvent-ils provoquer un rééquilibrage régional, qui modulerait les inégalités ? »

Ainsi le problème est fortement posé : c'est celui de l'entrée, peut-être à reculons, dans l'ère postindustrielle. La solution, elle, pourra être donnée, dans dix ans ou dans vingt, par une nouvelle édition, remise à jour et corrigée, du Scénario de l'inacceptable.

Rapport Guichard

Vivre ensemble, c'est le titre (ambitieux) du rapport publié en septembre 1976 par la Commission dite « de développement des responsabilités locales ». Créée à la demande de Valéry Giscard d'Estaing et présidée par Olivier Guichard, le fondateur de la délégation à l'Aménagement du territoire, cette Commission comprenait des élus, des fonctionnaires et des experts qui, pendant près d'un an, constituèrent un volumineux dossier sur la crise des collectivités locales et les remèdes à lui apporter.

Déséquilibre

Le constat, tout d'abord, résume en termes sévères une situation que, à gauche comme à droite, tous les connaisseurs de la vie locale s'accordent à considérer comme critique.

« L'État englué dans mille tâches, l'Administration confinée et lointaine, la démocratie en question : à côté de bien des points forts dans notre vie locale, nous sentons là des manques et des menaces graves. Or, on le voit immédiatement, elles ont une commune origine : le déséquilibre entre les responsabilités assumées par l'État et celles qui sont laissées à l'exercice d'autorités locales élues. »

De ce déséquilibre, l'ouvrage donne à la fois une explication, qui remonte jusqu'aux racines de la formation d'un État trop fortement centralisé, et de saisissants exemples : les divergences des fiscalités, avec la dépendance de fait des communes, les excès du contrôle qui « paralyse et fragmente les responsabilités », la désunion de la société sont ainsi fortement critiquées.

Mais, bien sûr, l'essentiel n'est pas dans l'analyse de ce mal français qui touche les 36 400 communes françaises. L'essentiel, c'est d'imaginer « une autre façon de s'administrer », en forgeant les moyens de réaliser « toute la décentralisation possible » sans pour autant démanteler l'État.

Pour atteindre cet objectif, les experts de la commission Guichard devaient d'abord résoudre une formidable contradiction :
– l'exercice de pouvoirs réels ne peut valablement être dévolu à cet éparpillement de communes dont 28 866 comptent moins de 1 000 habitants ;
– en revanche, les nouveaux objectifs de participation des citoyens aux décisions qui conditionnent leur vie quotidienne interdisent d'envisager la diminution du nombre de collectivités de base.

« Toutes les communes sont irremplaçables et doivent vivre en tant que communautés d'hommes démocratiquement gouvernés, partenaires de plein droit dans l'ensemble administratif. Elles seront donc toutes maintenues, proclament les experts. Cela est particulièrement vrai de celles qui paraissent les moins adaptées aux nécessités modernes de l'administration : ces milliers de communes rurales réunissant quelques centaines, voire quelques dizaines d'habitants, sont happées de plein fouet par les mutations du monde rural. On peut dire sans paradoxe que plus sont grandes leurs difficultés à assurer les fonctions administratives, plus leur nécessité est évidente.

Cela est vrai encore des communes noyées dans un ensemble urbain. Même si le problème du gouvernement de la ville est posé, ces communes évitent que les plus grandes agglomérations deviennent des magmas, et elles conservent à leur gestion une dimension humaine.

Utopie

Les communes, sur leur territoire et dans leur nombre actuels, sont, d'une part, une communauté sociale qui a sa vie et son activité propres, d'autre part, l'assise, l'élément fondamental de l'édifice administratif. Elles sont aussi, quand les deux rôles se recoupent, le lieu privilégié de la participation.