Bourse

Traumatisée par la politique

Ébranlée dès le milieu du mois de mars 1 976 par le flottement du franc, la Bourse de Paris a rapidement reculé au vu du projet gouvernemental de taxation des plus-values, sans que la reprise technique observée fin mai-début juin, lors de l'ouverture de la discussion de ce projet à l'Assemblée, parvienne à infléchir durablement cette tendance baissière.

Les cours fléchissent en effet de plus belle en juillet, quand l'or fait de même sous la pression répétée des ventes du Fonds monétaire (126 dollars l'once la première fois, 122,05 la seconde, moins de 110 la troisième) et que la faiblesse du franc conduit la Banque de France à relever son taux d'escompte de 8 à 9,5 %.

Mois de pause traditionnel, août voit certes la tendance se stabiliser, malgré la crise politique qui amène Raymond Barre à succéder à Jacques Chirac à la tête du gouvernement. L'attente des mesures de lutte contre l'inflation (il faut enfin passer aux choses sérieuses) freine encore les initiatives en septembre. Jusqu'au 22 du moins, quand, malgré les résultats satisfaisants du premier semestre, le plan Barre accélère la chute des valeurs françaises.

Mal profond

Car c'est bien de chute qu'il s'agit, et même de l'une des plus sévères de ces dernières années : 14 % en à peine plus d'un mois (du 22/9 au 26/10). Le phénomène n'est certes pas propre à la France, et ce dernier trimestre commence tout aussi mal à Wall Street qui affichait peu auparavant des niveaux records. Mais le mal est ici plus profond.

Qu'importe aux actionnaires une franchise de 1 000 F ou même 2 000 F sur les revenus de leurs actions quand le malaise politique s'accroît, quand il est question d'instaurer un impôt sur la fortune, quand la sécheresse récente accentue la vulnérabilité du franc et annonce un effort fiscal supplémentaire, quand le taux d'escompte est à nouveau relevé de 9,5 à 10,5 %, quand les prix, enfin, sont bloqués et que la reprise économique tourne court ?

Car tel est l'environnement de cette période noire. Que la cote ait eu tendance à se stabiliser en novembre n'y change rien. C'est une réaction technique normale, au demeurant masquée par la faiblesse accentuée de certains secteurs comme la sidérurgie, les magasins traditionnels ou la papeterie. Plus quelques cas d'espèces, comme Poclain ou Bull.

La relance des investissements est à l'ordre du jour, mais encore faut-il avoir :
– besoin d'investir, ce qui n'est pas le cas des industries dont le potentiel n'est que partiellement utilisé,
– les moyens d'investir, ce qui manque fréquemment tant en raison d'un endettement déjà excessif que de l'impossibilité de recourir au marché financier,
– envie d'investir, ce qui implique confiance dans la stabilité économique et politique, outre l'espérance d'un profit, de plus en plus remis en cause par l'évolution déséquilibrée des coûts et des prix de vente.

Réforme

C'est l'heure où les agents de change, dont la situation financière se dégrade rapidement, présentent les grandes lignes d'une réforme qui vise à faire disparaître la dualité terme-comptant au profit d'une formule de marché tout au comptant, qui préserverait les possibilités spéculatives et recourrait largement à l'informatique.

Songer à moderniser le fonctionnement de la Bourse est une chose, bonne en soi. Se doter d'un outil perfectionné sans être assuré de pouvoir l'alimenter en est une autre, et c'est bien là le mal de cette fin d'année où le volume quotidien des transactions tombe à des niveaux ridicules, où les capitaux disponibles, pourtant considérables, ne connaissent qu'une urgence, l'attente.

Une reprise technique a certes lieu en décembre, favorisée par les opérations habituelles de window dressing destinées à flatter les bilans. Insensible à l'élection de Jimmy Carter à la présidence des États-Unis, la Bourse de Paris ne réagit guère plus à la réunion des pays de l'OPEP qui décident de relever leurs prix. La dissension entre l'Arabie Saoudite et les autres producteurs est même accueillie favorablement.

Regroupement

Ce raffermissement toutefois ne dure pas, et le marché cède rapidement au démon de la politique, qui lui est traditionnellement néfaste. La balance commerciale commence pourtant à s'améliorer, et les résultats de l'exercice s'annoncent favorables, parfois même excellents comme pour Peugeot-Citroën qui annonce dès janvier des chiffres sans précédent : 35 milliards de F de ventes et 3 milliards de cash flow après une ponction fiscale de 1,4 milliard, alors que la capitalisation boursière de l'affaire n'est que de 2,25 milliards.