Journal de l'année Édition 1977 1977Éd. 1977

Ce programme convient parfaitement à R. Barre, qui n'a jamais caché son inquiétude devant la mollesse avec laquelle la France a combattu la hausse des prix dans le passé. Pour lui, c'est le mal fondamental dont découlent tous les autres.

Or, en cet été 1976, elle persiste ; c'est le moins qu'on puisse dire ! La flambée des cours sur les matières premières importées, depuis quelques mois, la sécheresse sans précédent en France, la persistance de fortes hausses des salaires font valser les indices de prix : 1 % de hausse en juillet, 0,7 % en août, 1,1 % en septembre. Soit près de 3 % en trois mois : rythme de plus de 12 % par an. Insupportable.

Le 22 septembre 1976, R. Barre frappe les trois coups et présente son plan : blocage des prix, contrôle des revenus, limitation du crédit, quelques impôts et des majorations de charges sociales pour réduire les déficits du budget et de la Sécurité sociale. « La France vit au-dessus de ses moyens », affirme le Premier ministre. La ligne est fixée ; le ton est donné.

Or, au début de l'été 77, le bilan est maigre. L'indice des prix augmente de 0,9 % en mars, de 1,3 % en avril et de 0,9 % en mai. Soit 3,2 % en trois mois, c'est-à-dire plus qu'au pire moment de la vague inflationniste de 1976... Que s'est-il passé ?

Chômage

Raymond Barre n'a pourtant pas fléchi dans sa détermination. Loin de là. Il a pris le risque de voir grossir le chômage. Celui-ci est effectivement supérieur, au début de l'été 1977, de 15 % à son niveau de l'été 76. C'est que le gouvernement n'a pas voulu stimuler l'économie pendant sa lutte contre l'inflation. On ne peut vouloir, en même temps, une chose et son contraire, estime le Premier ministre. Moyennant quoi l'activité économique n'a guère cessé de se ralentir entre l'été 1976 et l'été 1977. Les bons résultats de l'année 1976 (5,2 % de croissance de la production) ont été acquis, pour l'essentiel, pendant la première moitié de l'année. Dès l'automne, la production s'installe sur un palier ; d'abord très légèrement ascendant ; puis totalement plat ; et même, au printemps 1977, légèrement déclinant.

Les performances de l'économie française, dans le domaine de la production, convenables en 1976, devaient être de ce fait beaucoup plus médiocres en 1977, où l'on attendait une croissance de l'ordre de 3,5 % ; c'est-à-dire nettement inférieur à l'objectif du VIIe Plan (1976-1980), fixé à 5,7 % de croissance par an, en moyenne.

La contrepartie inévitable de ce ralentissement de la production est l'aggravation du chômage. En juillet 1976, il y a 950 000 personnes inscrites comme demandeurs d'emploi dans les agences pour l'emploi. Un an plus tard, il y en a près de 150 000 de plus. Certes, ces statistiques doivent être interprétées avec prudence. Ce ne sont pas les mêmes gens qui sont chômeurs en juillet 1976 et en juillet 1977 ; dans l'intervalle, la plupart de ceux qui cherchaient un emploi en ont trouvé ; d'autres sont venus les remplacer dans les statistiques. Mais le fait que le chômage frappe toujours entre 5 et 6 % de la population reste un phénomène préoccupant.

R. Barre lui-même doit en tenir compte. Au lendemain des élections municipales du printemps 1977, les élus de la majorité (très inquiets de la poussée de la gauche) le pressent de « faire quelque chose ». Le chef de l'État lui-même lui demande de prendre des mesures en faveur des jeunes sans emploi, des familles et des personnes âgées. Cela devient, le 26 avril 77, le plan Barre bis. En réalité, il s'agit d'un habillage un peu spectaculaire pour des mesures que le Premier ministre avait l'intention de prendre de toute façon.

Stratégie

Au fond de lui-même, R. Barre ne croit pas qu'on puisse lutter efficacement contre le chômage avant d'avoir assaini, en profondeur, l'économie française. Il ne veut donc, à aucun prix, prendre des mesures pour l'emploi qui contrarieraient cet assainissement. C'est la raison pour laquelle il refuse, obstinément, pendant toute cette période, de procéder à une relance générale de l'économie, en relâchant le crédit, en augmentant les salaires ou en injectant, de façon massive, de nouvelles dépenses de l'État dans le circuit économique. Il se contente d'offrir des prêts à des taux avantageux aux PME et de prendre quelques mesures ponctuelles ici ou là.