Journal de l'année Édition 1977 1977Éd. 1977

Conjoncture

L'année du plan Barre

Toute la vie économique de la France a été dominée, en 1976-1977, par la mise en œuvre du plan Barre de lutte contre l'inflation. C'est pour renforcer cette lutte que le chef de l'État décide, dès juillet 1976, d'appeler Raymond Barre à Matignon, en remplacement de Jacques Chirac. Il apprécie, depuis longtemps, la pensée et le caractère de son ministre du Commerce extérieur. Ce professeur d'économie est un « libéral musclé », qui rêve d'introduire en France les disciplines de l'économie de marché telles qu'on les pratique en Allemagne. Cet ancien vice-président de la Commission des Communautés européennes a la connaissance et l'audience des milieux financiers internationaux, au moment où il faut endiguer la chute du franc, flottant depuis le printemps.

Le plan Barre

Voici les principales dispositions du plan de lutte contre l'inflation présenté le 22 septembre 1976 par Raymond Barre :
– politique monétaire : fixation (pour la première fois) d'une norme de progression de la masse monétaire, laquelle ne doit pas augmenter de plus de 12,5 % en 1977. Parallèlement, l'encadrement du crédit est resserré et les taux d'intérêt sont portés à des niveaux élevés ;
– politique budgétaire : pour 1976, les impôts sur les hauts revenus sont majorés de 4 à 8 % (avec possibilité de souscrire à un emprunt pour se libérer de cette majoration), de même que l'impôt sur les sociétés, les taxes sur les carburants et la vignette auto. Pour 1977, l'imposition des hauts revenus est alourdie, mais la TVA est abaissée de 20 à 17,6 % pour freiner la hausse des prix. Majoration des cotisations sociales. Le budget de 1977 est présenté en équilibre ;
– politique des revenus : c'est l'aspect le plus original du plan Barre. Les prix sont bloqués jusqu'à la fin de 1976 et les tarifs publics jusqu'au printemps 1977. Pour 1977, une norme de prix est fixée : pas plus de 6,5 % d'augmentation. Les revenus doivent évoluer parallèlement, c'est-à-dire que le pouvoir d'achat ne doit pas augmenter (sauf pour les revenus les plus faibles) ; il doit même diminuer pour les revenus les plus élevés ;
– politique de l'offre : les importations de pétrole sont plafonnées à 55 milliards de F par an. Des prêts à taux avantageux sont offerts aux entreprises exportatrices et pour les investissements des PME. Des mesures sont prévues en faveur des secteurs en difficulté (sidérurgie, textile, machines-outils, construction navale, aéronautique) et pour rétablir la concurrence.

Le plan Barre bis

– Emploi
• Exonération de la cotisation patronale sur les salaires des jeunes et des apprentis ;
• recrutement de 20 000 vacataires dans le secteur public ;
• extension (à négocier entre patronat et syndicats) du régime de la préretraite ;
• prime de 10 000 F aux immigrés chômeurs retournant dans leurs pays ;
• multiplication des stages de formation professionnelle ;
• élargissement des contrats emploi ;
• formation aux veuves et aux femmes seules ayant charge d'enfant ;
• prime de 4 850 F aux jeunes trouvant du travail à l'étranger.

– Personnes âgées
• Majoration des allocations minimales (10 000 F par an le 1er juillet ; 11 000 F le 1er décembre) ;
• revalorisation de 5 % de certaines pensions ;
• allégement d'impôt l'année du départ à la retraite ;
• amélioration de l'habitat ;
• raccordement du téléphone au service de veille.

– Familles
• Majoration de 10,2 % des allocations familiales le 1er juillet ;
• création en 1978 du complément familial ;
• octroi d'un congé temporaire sans solde pour les mères salariées ;
• relèvement des pensions des veuves ;
• dotation accrue au Fonds national d'action sanitaire et sociale pour développer l'aide ménagère.

– Investissements publics
• Déblocage de la moitié (1,25 milliard) des crédits du Fonds d'action conjoncturelle ;
• rallonge de 625 millions d'autorisations de programme, pour accélérer certaines opérations.

– Financement
• Hausse de l'essence (6 centimes par litre sur le super) ;
• perception accélérée de certaines taxes ;
• emprunt d'État de 6 milliards (porté à 8 milliards), indexé sur l'unité de compte européenne et doté d'avantages fiscaux ;
• endettement de 5,8 milliards du Trésor, à moyen terme.

Inflation

Le président Giscard d'Estaing confie donc, fin août, une mission précise à R. Barre : d'abord la lutte contre l'inflation, ensuite la lutte contre l'inflation, enfin la lutte contre l'inflation ! Cela distraira, en outre, les Français des querelles internes à la majorité, qui éclatent au grand jour après le départ de Jacques Chirac. Du moins, le chef de l'État le croit-il...