Paradoxe

Or, contrairement à toutes ces craintes, les gros modèles ont connu un grand succès, paradoxal seulement en apparence et qui s'explique fort bien si l'on tient compte d'un changement de mentalité chez de nombreux automobilistes. Car, après une ruée sur les petites voitures, à l'époque où le spectre d'une pénurie d'essence planait sur l'Europe, le pendule est retombé de l'autre côté : un certain nombre de conducteurs se sont rendu compte qu'il était difficile d'entasser famille et bagages, notamment pour les grands départs en vacances, dans d'aussi petites cages.

D'autres ont aspiré à plus de confort et à plus de sécurité, deux exigences qui viennent souvent, dans la tête et le cœur des automobilistes, remplacer les critères de performances et de vitesse pure. Enfin, la volonté de plus en plus affirmée de changer moins souvent de modèle, pour des raisons d'économie mais aussi de mode (« la voiture bonne à jeter comme une chaussette, c'est bien fini »), constitue un atout supplémentaire pour des voitures plus coûteuses à l'achat, certes, mais dont la longévité paraît mieux assurée.

Tout cela (nouvelle vogue pour les grosses cylindrées, alors que les moyennes élargissaient encore leur position grâce à l'arrivée de séduisantes nouveautés et que les petites se maintenaient) explique la spectaculaire remontée de l'auto, dans les statistiques comme dans les esprits. Et si, bien sûr, l'expansion ne se faisait plus aux rythmes fous d'hier, les constructeurs pouvaient, au début 1976, estimer raisonnablement que le pire était passé.

Une remontée d'autant plus spectaculaire qu'un autre élément aurait pu décourager les éventuels acheteurs : la hausse des prix des automobiles, en effet, dépasse très largement celle du coût de la vie : en deux ans, de 1974 à 1976, les « augmentations mitrailleuses » — selon une formule attribuée à Jean-Pierre Fourcade — se sont élevées à 52 % ! Sans pour autant, et c'est cela le phénomène qu'aucun futurologue n'aurait osé prédire, décourager un Français moins ardent certes, mais toujours fidèle à sa plus chère passion.

Routes et autoroutes

Puisque l'auto redémarre, il était logique que le rythme de construction des autoroutes suive le mouvement. Aussi, au 1^er janvier 1976, la France pouvait-elle célébrer la mise en service de 3 500 kilomètres d'autoroutes : 2 480 kilomètres d'autoroutes de liaison entre les villes, 870 kilomètres d'autoroutes urbaines.

Nouveaux tronçons

En octobre 1975, c'est l'achèvement de l'autoroute A 48, qui permet d'effectuer le trajet Lyon-Grenoble en moins d'une heure : 97 kilomètres, avec deux seuls ralentissements au péage (30 F), à travers les Terres froides, le col de la Rossatière et le grand viaduc de la Morge.