Un enfer de perversions sexuelles, de scatologie et de tortures, dans lequel l'auteur, adaptant Sade, voulait voir une dénonciation du fascisme (Salo, sur les bords du lac de Garde, fut le siège du dernier gouvernement de Mussolini) et de la violence de la société actuelle. Un film qui déchaîne la controverse et la révolte. Et qui, finalement, n'ajoute rien à l'œuvre de son auteur. À mentionner aussi, du même Pasolini, Mamma Roma, l'un de ses premiers films, tourné en 1962 avec Anna Magnani.

Satire

Cruel aussi, mais de façon beaucoup plus feutrée, le grand film italien de l'année est celui de Dino Risi, Parfum de femme. Le portrait cynique et déchirant d'un don Juan aveugle, superbement interprété par Vittorio Gassman, qui sait allier magistralement désespoir et dérision, en un de ces cocktails que seuls décidément les Italiens savent réussir.

Ce même cocktail, on le retrouve chez Luigi Comencini, peu connu jusqu'alors en France et que trois films, cette saison, ont définitivement imposé : À cheval sur le tigre, une farce grinçante, tournée en 1961 ; Mon Dieu comment suis-je tombée si bas, une parodie un peu lourde du snobisme mélodramatique de l'Italie de Malaparte, avec Laura Antonelli ; et surtout La femme du dimanche, une satire de la haute société turinoise, tirée d'un excellent roman où, aux côtés d'un Marcello Mastroianni assez drôle en policier plébéien, Jean-Louis Trintignant compose un personnage, insolite pour lui, d'homosexuel richissime.

Politique

Les acteurs français tournent d'ailleurs beaucoup en Italie. C'est ainsi que l'on trouve Charles Vanel et surtout Lino Ventura, remarquable d'efficace sobriété, dans l'un des meilleurs films que l'Italie ait présentés à Cannes (mais hors compétition) : Cadavres exquis, de Francesco Rosi. Tiré d'un roman de Léonardo Sascia, ce policier politique où le suspense et l'esthétisme se conjuguent superbement est, sans doute, le film le plus achevé de l'auteur de L'affaire Mattei. Le plus pessimiste aussi, tant il semble sceptique quant aux chances de l'Italie d'aujourd'hui et de ses politiciens de tous bords.

Politique encore, mais d'un humour tendre qui le rend très accessible à tous, Nous nous sommes tant aimés, d'Ettore Scola, un pilier, jusqu'alors ignoré, de la relève en Italie. On y trouve Vittorio Gassman, capitaliste solitaire, traître à la foi communiste de ses vingt ans, aux côtés de Nino Manfredi et de Stefania Sandrelli, que les réalisateurs s'arrachent tant en Italie qu'en France.

Politique toujours, mais cette fois plus austère, le beau Soupçon de Francesco Maselli, où Gian-Maria Volonté fait les frais de la lutte clandestine du parti communiste, au début du fascisme.

Politique peut-être, mais surtout volontairement didactique, Roberto Rossellini continue l'éducation du grand public avec le beau mais austère Messie, où il retrace la vie du Christ.

Une moisson très riche, cette année encore, à laquelle il faut ajouter Un génie, deux associés, une cloche, de Damiano Damiani, avec Terence Hill et Miou-Miou, une parodie de western qui a beaucoup fait rire les Français.

Grande-Bretagne

Si Losey, cette année, est devenu Français pour Monsieur Klein, les Britanniques nous ont tout de même envoyé quelques films à succès : Adieu ma jolie, d'abord. D'esprit plus américain qu'anglais, ce film de Dick Richards est une éblouissante reconstitution de l'univers de Raymond Chandler, cher aux films noirs de la grande époque. On y retrouve un Robert Mitchum en supergrande forme, privé digne de Bogart, face à une Charlotte Rampling qui fait, elle, penser à Lauren Bacall. Un vrai film rétro.

Beaucoup plus britannique, et d'un humour inimitable, Monty Python Sacré Graal, de Terry Gillian et Terry Jones, est un savoureux pastiche de l'histoire des chevaliers de la Table ronde. Quant à L'homme qui voulut être roi, de John Huston, il offre aux amateurs d'aventures une époustouflante incursion, tirée de Kipling, dans l'Inde des barbares et des bouddhistes, avec, en prime, un Michael Caine et un Sean Connery succulents.