Enfin, il faut désormais compter avec Brigitte Fossey, la petite fille blonde des Jeux interdits, devenue aujourd'hui femme émancipée dans Les fleurs du miel, où Claude Faraldo n'a pas retrouvé son inspiration de Bof, et harpie agressive dans le décevant Calmos de Bertrand Blier, une farce misogyne et de mauvais goût où se sont fourvoyés aussi Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle.

Hors concours, cette année, se place Jeanne Moreau. Avec courage, elle est passée de l'autre côté de la caméra pour tourner (et en même temps interpréter) Lumière, un film irritant mais élégant et plein de charme qui met en scène quatre comédiennes aux prises avec leur métier, l'amitié, les hommes et la mort.

Jeanne Moreau est aussi, avec Marie-France Pisier, l'interprète d'un des films les plus intéressants de l'année, Souvenirs d'en France, d'André Téchiné, une fresque familiale de la France bourgeoise du début du siècle à nos jours.

À porter enfin à l'actif de la création féminine, le beau film, resté trop confidentiel, de Yannick Bellon, Jamais plus toujours, une méditation rêveuse sur le temps qui passe, beaucoup plus convaincante que le mièvre Voyage de noces de Nadine Trintignant, trop plein de joliesses.

Comiques

Que retenir encore ? Les inévitables succès comiques de Robert Lamoureux. On a perdu la 7e compagnie, et Opération Lily Marlène ? La farce laborieuse d'Yvan Chiffre, l'ancien cascadeur devenu metteur en scène pour adresser au public les Bons baisers de Hong-Kong des Charlots ? Ils ont fait des entrées, mais n'ajoutent rien à la gloire cinématographique.

On peut être plus indulgent pour Les œufs brouillés de Joël Santoni, un canular (mais qui fait long feu) sur le président de la République, avec Jean Carmet, Jean-Claude Brialy et Michel Lonsdale, pour Les galettes de Pont-Aven, un divertissement un peu lourd de Joël Séria, avec Jean-Pierre Marielle, et pour L'ordinateur des pompes funèbres, de Gérard Pirès, où Mireille Darc et Bernadette Lafont se partagent Jean-Louis Trintignant.

Quant à L'année sainte, il n'y a rien à en dire, sinon qu'elle est signée Jean Girault et réunit Jean Gabin, Jean-Claude Brialy et Danielle Darrieux.

Côtés rires, toujours, le public a relativement boudé le dernier film de Jean Yanne, Chobizenesse, satire grinçante du monde du spectacle.

Échecs

L'année n'a d'ailleurs pas réussi aux metteurs en scène chevronnés : échec pour René Clément (La baby-sitter), pour Yves Allégret (Mords pas on t'aime), pour Claude Chabrol (Les magiciens), et même, plus relativement, pour Yves Boisset (Folle à tuer, avec Marlène Jobert). Échec aussi pour un débutant, Jean-Baptiste Rossi, connu jusqu'à présent pour ses scénarios sous le nom de Sébastien Japrisot, qui, totalement à contre-courant des modes, raconte de façon très pudique et pas du tout scandaleuse les amours d'une nonne et d'un lycéen dans Les mal partis.

D'autres débutants semblent pleins de promesses : outre Claude Miller et sa Meilleure façon de marcher, Jacques Fansten et son Petit Marcel, il faut signaler, notamment, Benoît Jacquot (L'assassin musicien), Pierre Zucca (Vincent mit l'âne dans un pré), Dolorès Grassian (Le futur aux trousses). Et décerner une mention spéciale au fluet mais charmant Acrobate de Jean-Daniel Pollet, où Claude Melki réhabilite le tango.

Mettre enfin hors concours le film de Louis Malle, réalisateur chevronné mais engagé cette année sur un chemin nouveau pour lui, celui du fantastique. Son superbe Black moon, rêve-cauchemar dans un pays en guerre où les rats savent parler et où l'on rencontre des licornes, a obtenu un succès d'estime, et le Décibel d'or, un nouveau prix, pour sa bande sonore.

Engagé

Du côté de la politique, un revenant : Jean-Luc Godard, avec un Numéro 2 didactique, confus, irritant, un document à l'état brut. Un monument : les quatre films rapportés de Chine par Jorris Ivens et Marceline Lorridan, Comment Yu Kong déplaça les montagnes. Deux films de montage : l'un, d'André Harris et Alain de Sédouy, sur l'armée, Le pont de singe ; l'autre, très controversé et trop rapidement retiré de l'affiche, d'André Halimi, sur le monde du spectacle pendant la guerre, Chantons sous l'Occupation.