Auto

Les Salons à mi-chemin entre la crise et le paradoxe

Singulière période ! Alors que, partout, les constructeurs automobiles baissent la tête, réduisent les horaires, licencient du personnel et voient l'avenir sous le jour le plus noir, jamais les Salons de l'auto n'auront vu autant de nouveautés qu'en 1974-75. Comme si la crise de l'automobile, avec son cortège de quadruplement du prix de l'essence et de renforcement des limitations de vitesse, n'était finalement qu'une (mauvaise) invention des gauchistes autophobes prenant leurs désirs pour des réalités.

Vedettes

C'est le Salon de Paris qui, le 3 octobre 1974, ouvre le feu avec la CX (2 000 et 2 200). La nouvelle Citroën (11 et 12 CV) tient incontestablement la vedette au moment même où l'entreprise qui l'a enfantée doit chercher le salut dans les bras d'un partenaire sérieux, Peugeot ! Curieux paradoxe, qui, pourtant, ne semble guère émouvoir les admirateurs de ce modèle aux attraits très réels : aérodynamisme, sécurité, confort, avec en plus ces petits gadgets (comme cet essuie-glace à un seul balai) par lesquels la firme au double chevron signe toujours ses réalisations.

Après Paris, c'est Turin qui (fin octobre 1974) présente comme il se doit la dernière-née made in Italy, la Fiat 131 (7 CV ou 9 CV) – qui remplace la 124. Signe des temps, la publicité du grand constructeur italien s'exprimera dans des termes tout à fait inhabituels dans une industrie qui avait fait du renouvellement et de l'adaptation à la mode l'un de ses dogmes. « Nous avons construit la Fiat 131 pour que vous la gardiez dix ans. » Effectivement, il y a quelque chose de changé dans le monde perturbé de l'automobile !

Mais ce changement, désiré, ne peut s'opérer comme par miracle. La plupart des nouveaux modèles qui surgissent ont été conçus quatre ou cinq ans auparavant. Et c'est ce qui explique que, au mois de mars 1975, le Salon de Genève ait été marqué par la révélation de deux lourdes cylindrées, deux voitures de haut standing, dévoreuses d'essence et coûteuses en ces temps d'inflation galopante. La traction avant Renault 30 TS (35 500 F) trouve une rivale avec la berline plus classique Peugeot 604 (fin juin on connaît son prix ; il est fixé à 41 700 F) mais ces deux voitures disposent d'un (même) moteur six cylindres, qui constitue un double événement :
– d'abord parce qu'il s'agit d'un moteur étudié et produit à Douvrin (Pas-de-Calais) par l'association Peugeot-Renault-Volvo (il équipait déjà le coupé Peugeot 504 et les Volvo 264) ;
– ensuite parce que, depuis la disparition de la légendaire 15 CV Citroën, la France avait abandonné à ses concurrents étrangers une clientèle de haut de gamme évaluée à près de 300 000 acheteurs chaque année en Europe.

Mais l'arrivée incongrue de ce gros moteur et de ces deux somptueux mastodontes ne doit pas faire illusion. L'heure est (surtout) aux plus modestes nouveautés qui, toutes, viennent disputer à la Renault 5 une part du gâteau le plus convoité : celui des petites voitures économiques. Ainsi le groupe Volkswagen, après avoir lancé la sémillante Audi 50, a sorti au Salon de Genève sa sœur jumelle, la Polo. Peu de temps auparavant, le grand constructeur allemand avait produit la Golf, autre véhicule adapte à la conduite, urbaine comme à une utilisation économique.

Là encore, la publicité affichée montre bien que les choses ont évolué, même pour l'orgueilleux et austère industriel de Wolfsburg : « L'auto est morte ! Vive l'auto ! Golf, la Volkswagen compacte... qui se déplace à petites gorgées d'essence sirotant l'or noir comme l'homme à l'Hispano dégustait son gin-fizz... » Ainsi, au printemps 1975, les grands constructeurs, inquiets de voir l'auto tomber de son piédestal doré, tentent de s'adapter pour survivre. Une évolution qui, comme toujours, tente d'éviter une révolution.

Nouveautés françaises

Renault 30 TS. Berline : 5 places, 4 portes, 2 664 cm3, 15 CV, 131 ch (DIN) à 5 500 tr/mn. Freins à disque AV et AR. Vitesse : 185 km/h. Prix : 35 500 F.