Mais l'écart demeure grand entre les intentions et les actes. Quant aux moyens engagés, ils restent dramatiquement insuffisants.

450 000 lycéens majeurs
Une situation nouvelle

La loi du 25 juin 1974 a abaissé à dix-huit ans l'âge de la majorité (Journal de l'année 1973-74) ; quatre cent cinquante mille élèves du second degré sont concernés. Cette situation nouvelle n'appelle-t-elle pas une modification du règlement des établissements scolaires ? Une modification peut-être, un bouleversement non, décide René Haby, qui, par une circulaire du 13 septembre 1974, invite les chefs d'établissement à « assurer, en tenant compte des situations locales, la conduite et le contrôle d'une évolution qui doit être guidée par le bon sens et exempte d'abandons hâtifs ». Le ministre indique que les parents demeureront les interlocuteurs naturels de l'Administration (c'est-à-dire les destinataires de toute correspondance, telle que relevé de notes, convocations de toute nature, etc.), à moins que les élèves majeurs ne demandent par écrit à se substituer à eux. Cette disposition indigne plusieurs organisations d'élèves, qui jugent que la circulaire remet en cause la loi. Pour leur répondre, René Haby s'explique, en novembre, dans une Lettre aux lycéens. Le ministre souligne que la circulaire est provisoire et que des commissions seront créées dans chaque académie pour présenter des propositions. Il insiste sur les vertus des contraintes et de l'effort : « au lycée, conclut-il, le progrès ne consistera pas à supprimer ces contraintes et cet effort, mais à faire en sorte qu'ils ne soient plus imposés de l'extérieur ».

Manifestations

Comme en 1973 contre la loi Debré, comme en 1974 contre la réforme Fontanet, les lycéens se mobilisent, dès le mois de mars 1975, contre le projet Haby. Une certaine agitation se développe dans les établissements secondaires de la région parisienne et de la province. Le mouvement culmine dans deux journées d'action, les 13 et 18 mars, qui rassemblent plusieurs dizaines de milliers de jeunes gens dans les rues de Paris et des principales villes de province. À la rentrée de Pâques, le ministre organise, le 9 avril, une « concertation nationale » avec cinquante délégués d'élèves (deux délégués par académie). Cette rencontre couronne deux mois de concertation avec 81 organisations. À l'issue de cette série de consultations, René Haby promet de revoir certaines des dispositions les plus contestées, portant sur l'entrée à l'école primaire, l'articulation entre l'enseignement général et l'enseignement professionnel, le « tronc commun » en classes de seconde et de première, l'enseignement de la philosophie.

Modifications

Pour tenir compte des multiples protestations suscitées par son projet, R. Haby décide de ne soumettre au Parlement, en juin 1975, qu'une sorte de loi-cadre qui pose seulement les principes d'une « modernisation du système éducatif », mais confie à des décrets ultérieurs le soin d'en préciser les détails.

Du projet initial disparaissent les dispositions relatives au baccalauréat et à l'entrée dans l'enseignement supérieur ainsi qu'à la formation des maîtres : elles seront reprises, affirme le ministre, par la voie réglementaire. En revanche, sont purement et simplement supprimées la plupart des innovations qui concernent l'enseignement primaire : le nouveau texte rétablit la scolarité en cinq années, en renonçant à l'idée d'avancer d'un an pour les meilleurs l'âge d'entrée à l'école primaire (de six ans à cinq ans), d'allonger d'un an le cycle primaire (cependant, l'enseignement préparatoire pourra être dispensé en deux ans au lieu d'un), d'accorder à certains la possibilité de sauter des classes. La scolarité continuera d'être obligatoire à l'âge de six ans.

La réorganisation des quatre années de collège est maintenue dans son intégralité : elle devient, conformément au vœu du président de la République, le noyau fort de la réforme. Dans le second cycle, la principale modification apportée au texte initial porte sur l'enseignement de la philosophie, qui est de nouveau rendu obligatoire en classe terminale.