De la femme-objet à la femme libre

1975, Année internationale de la femme : cette décision de l'ONU est l'occasion de multiples manifestations, rencontres ou colloques auxquels les gouvernements, les associations féminines de toutes tendances apportent leur contribution (dont la Conférence mondiale de Mexico, qui se déroule du 19 juin au 2 juillet) ; une tentative pour mieux connaître les problèmes des femmes et, par là même, les aider à mieux s'intégrer au monde du travail.

Trois journées internationales sont organisées à Paris, du 1er au 3 mars 1975 ; une cinquantaine de pays sont représentés. Le palais des Congrès ouvre ses portes à plusieurs centaines de femmes ; parmi elles une trentaine de ministres ou présidentes d'assemblées. « Au commencement était l'esclavage, et la première esclave fut la femme », le coup d'envoi de cette première est donné par Valéry Giscard d'Estaing, qui constate : « il s'est passé beaucoup de choses en peu de temps, pour les femmes de notre siècle ». Qu'en est-il exactement ?

Les femmes (elles constituent la moitié de la population du globe) ont fait l'objet depuis des temps immémoriaux de telles discriminations qu'on peut les assimiler à une minorité. Mais leur insertion croissante dans le monde du travail (38 % en France), phénomène irréversible partout, leur fait prendre de plus en plus conscience de leurs droits. Leur première revendication porte sur la rémunération. Si le principe à travail égal, salaire égal est maintenant juridiquement reconnu dans presque tous les pays, dans les faits les choses sont très différentes.

Une nette division du travail, féminin et masculin, crée des domaines réservés, perpétue des mythes sur les aptitudes ou inaptitudes des femmes ; cette discrimination, ce sexisme, on le constate dans tous les pays, à l'exception peut-être de l'URSS. Les femmes, souvent mal orientées, sans formation professionnelle, sont concentrées dans des branches féminines où elles restent bloquées. Bloquées au niveau des qualifications et des responsabilités.

La fonction publique (l'enseignement ou les services de santé sont très largement féminisés, ce qui n'est pas sans inconvénient) reste pour les femmes un secteur relativement privilégié. Pourtant, tout en haut de la hiérarchie, elles sont peu nombreuses aux postes responsables. Pourquoi ? Les difficultés d'accession à l'emploi ont leurs origines dans la persistance de certains préjugés dont l'absentéisme ou l'instabilité ne sont pas les moindres. Préjugés réels ou supposés. Quelles en sont les causes ?

Traditionnellement gardienne du foyer, les femmes se heurtent à l'incompréhension d'une société en mutation, qui considère depuis toujours leur travail comme marginal, une société qui ne leur permet pas encore de concilier leur vie professionnelle et leur double rôle d'épouse et de mère. Les charges familiales les empêchent de compléter leur formation pour accéder à la promotion ; l'éducation des enfants les amène souvent à interrompre une carrière qu'elles auront le plus grand mal à reprendre.

Ce droit à l'égalité des chances qu'elles réclament, les femmes sont sur le point de le conquérir ; les barrières qui s'y opposent encore tombent une à une. Ainsi, le droit à la contraception, le libre choix d'être mère leur est enfin reconnu dans de nombreux pays. Si l'égalité devant la loi est indispensable à l'évolution de la condition féminine, la loi demeure impuissante à changer les mentalités, à faire disparaître l'image de la femme-objet ou de la femme-gadget.

Traditions toujours ou préjugés (souvent communs aux deux sexes), les femmes sont encore absentes de la vie politique et syndicale. Une volonté de changement s'opère, qui conforte le plus grand nombre d'entre elles à vouloir sortir là aussi du ghetto.

Le Journal de l'année a réuni une série de statistiques sur la place des femmes dans la vie active, en France et à l'étranger. Des comparaisons rigoureuses sont impossibles. Les données de références disponibles proviennent de recensements effectués à des dates différentes, selon des critères particuliers à chaque État. C'est avant tout une sorte d'approche chiffrée qu'on propose. À travers elle se profile cette fameuse condition féminine dont on parle tant.

La participation féminine au monde du travail

On a tenté, dans les deux pages suivantes, de visualiser la place tenue par les femmes dans le monde du travail. Cette représentation se rapporte à la classique pyramide des âges (chiffres qui sont portés sur les aplats couleurs). Au centre figure ce qu'on pourrait nommer la pyramide des âges et du travail. On y retrouve classiquement, à gauche, le nombre total des hommes et leur pourcentage dans la vie active ; à droite, celui des femmes. Au milieu, pour les données démographiques et la présence dans le monde du travail, l'échelle des tranches d'âge (exemple, Belgique : pour la tranche d'âge 25-29, on compte 301 371 hommes dont 97,2 % sont actifs ; pour la population féminine de 301 028, on ne dénombre que 36,5 % d'activés).