Certains de ses membres les plus influents ont décidé de s'occuper d'affaires plus personnelles ; Daevid Allen, son fondateur, est parti écrire au soleil la mythologie de sa formation ; Tim Blake met ses synthétiseurs au service d'expériences audiovisuelles fascinantes, travaillant avec des lasers et des projections d'images (Paris en mai) ; le guitariste Steve Hillage poursuit d'étonnantes recherches électroacoustiques, conférant une nouvelle dimension à son instrument, comme naguère Jimi Hendrix. Le Gong tout entier s'est produit une dernière fois en octobre et novembre 1974, avec, en première partie, le vibraphoniste Robert Wood, qui fera certainement parler de lui le jour où il aura réuni une formation à sa hauteur.

Cette musique, dite planante, rencontre aussi beaucoup de succès chez les groupes allemands (Can, Kraftwerk, K. Schulze).

Concert historique

Le plus connu, Tangerine Dream, s'est trouvé au centre d'une manifestation presque historique : un concert pop dans la cathédrale de Reims (13 décembre 1974). La mise sur pied de cet événement a été laborieuse, et de nombreuses réticences ont dû être vaincues. Mais les organisateurs (et le public) ont été récompensés : jamais un tel lieu ne s'était si admirablement prêté à une telle musique et dans un tel recueillement.

Certains se sont scandalisés.

Avec Tangerine Dream apparaissait Nico, et sa silhouette altière était elle aussi à la mesure de l'endroit et de la circonstance. Nico est un peu une légende. On évoque à son propos le défunt et mythique Velvet Underground, dont les autres membres séparés viennent occasionnellement à Paris : Lou Reed en mars, John Cale en avril. Le show-business international produit régulièrement sur la scène les descendants des grandes formations des années 60 : Eric Clapton (décembre), Kevin Ayers (février), Donovan (mai), Johnny Winter (octobre).

Le Grateful Dead, vieille légende californienne, vient encore faire trembler les voûtes avec la sonorisation la plus sophistiquée du monde (septembre) ; Rod Stewart et les Faces, si populaires qu'on les présente aujourd'hui comme les concurrents des intouchables Rolling Stones (septembre) ; Frank Zappa et les Mothers of Invention, qui présentent la même musique incisive (septembre).

Non content de présenter encore ces vieilles valeurs, le show-biz réservait une bonne surprise avec le Werner Bros Music Show, en février : tout un échantillonnage de ce que la Californie produit de mieux, des groupes que l'on n'avait encore jamais entendus en Europe et que certains attendaient avec une grande impatience : les Doobie Brothers, Graham Central Station, tout ruisselants de chaude musique noire, et surtout Little Feat, animé par le guitariste Lowell George, un instrumentiste qui a su adapter dans les meilleures conditions le rock et le country traditionnel.

Même le vétéran Bill Haley (le grand-père du rock) était là, évoquant avec ses morceaux connus de tous une nostalgie que ses adeptes rockers n'ont pas manqué de manifester en dansant dans les allées de la vénérable salle Pleyel (décembre) : un spectacle que l'on ne voit plus guère, à l'heure des concerts-théâtres, comme celui présenté par Genesis (mars). Le musicien, le chanteur n'invitent plus à une expression du corps ; ils réclament toute l'attention sur un jeu de scène élaboré, où ils évoluent parés de différents costumes. Un contraste avec l'absence de gestes de Robert Fripp et Brian Eno, qui présentent une musique complexe, traitée par différents synthétiseurs et autres magnétophones (Paris, mai).

Sonorités

Le synthétiseur, cet instrument magique à faire des sons, est partout présent et permet de moins en moins de distinguer le pop du jazz. Les formules binaires tendent à disparaître dans l'écriture du rock, rapprochant les deux langages. C'est ainsi qu'on ne sait pas trop comment cataloguer le Mahavishnu Orchestra (juillet), ou Billy Cobham, son rejeton (juillet), ou encore Weather Report qui se produit à Paris en novembre et avril.

Si l'on ajoute Herbie Hancock (Paris, novembre) à ces formations, on aura un panorama assez complet de ces élèves émules de Miles Davis, qui influencent beaucoup à leur tour la scène musicale française (Contrepoint, Speed Limit, Working Progress).