Cette attitude un peu extrémiste n'est pas partagée par la majorité des groupes, qui se réfèrent surtout à ce qu'ils écoutent, c'est-à-dire aux Anglais ou aux Américains. Ainsi King Crimson, Soft Machine, Robert Wyatt, comme Genesis, le Mahavishnu Orchestra et Frank Zappa sont les plus souvent cités comme influence majeure par les musiciens français.

Ainsi Contrepoint, qui tourne depuis des années dans une indifférence totale de la part des maisons de disques. Ainsi Heldon, qui a résolu ce problème en produisant et en distribuant lui-même ses albums (Disjuncta), jetant les bases d'une nouvelle conception de travail pour tous les groupes qui veulent se faire entendre de leur public. Ainsi Ame-Son qui, après deux années de silence (il avait acquis une certaine renommée lors du festival d'Amougies en 1969), vient enfin de se reformer.

Ce ne sont là que quelques exemples significatifs parmi ceux qui ont réussi (à peu près) à se faire connaître. Mais il leur reste encore beaucoup à faire pour pouvoir vivre de leur musique.

Par exemple, créer, comme en Angleterre, un syndicat ou une association qui oblige les organisateurs de spectacles à présenter un groupe français en première partie de chaque concert d'une formation étrangère.

Vitalité

En Angleterre, le rock est entré dans une ère nouvelle et semble avoir reconquis une vitalité qui lui avait fait cruellement défaut ces dernières années. Une musique puissante, qui tire sa force de sa simplicité, est en train de s'épanouir un peu partout, principalement dans les pubs. Des groupes s'y produisent pour pas cher et jouent devant les consommateurs les classiques du genre : morceaux de Chuck Berry, Bo Diddley et de tous les grands de la belle époque.

La plus connue de ces formations est venue deux fois en France (mars et juin) : Docteur Feelgood, qui joint à un répertoire de rock and roll traditionnel d'étonnantes qualités de prestation scénique. Leur assise instrumentale est très réduite : guitare (sans effet de distorsion), basse, batterie et chanteur. Ils enregistrent leurs disques en mono, coquetterie supplémentaire qui est aussi un clin d'œil au passé.

Mais Feelgood n'est pas l'unique représentant de ce style. D'autres s'expriment sur des registres légèrement différents et explorent comme lui le circuit des pubs et des universités : les Ducks de Luxe, rockers spécialisés dans l'imitation scrupuleuse de leurs différents modèles ; Kokomo, qui tire son nom d'un bluesman fameux (Kokomo Arnold) et joue plutôt dans la tradition noire, avec l'excellent Jim Mullen à la guitare ; Ace, très inspiré par les Beatles, originaires comme eux de Liverpool.

Ainsi, le pub rock apparaît comme une cure de rafraîchissement, qui comporte ses limites, certes, mais s'avère très bénéfique dans le climat général de la pop anglaise.

Aux antipodes de ces rythmes faciles et populaires, différentes expériences, entreprises surtout sous l'égide de Virgin Records, apparaissent quelque peu précieuses. Difficiles à comprendre, ces expériences recèlent probablement tout l'avenir de la pop music.

Cette musique se construit autour de deux pôles, l'un solitaire (Robert Wyatt), l'autre entouré d'un groupe permanent (Fred Frith et Henry Cow). On a pu les voir tous ensemble au cours d'un concert exceptionnel, à Paris, en mai 1975. À ces musiciens on peut rattacher ceux de Hatfield and the North, avec lesquels Wyatt a collaboré.

Ils exposent un univers très privé, à travers une trame sonore affectant volontiers une certaine distanciation. Cette musique ne s'impose jamais au public, comme le fait si souvent le rock. Elle se laisse prendre, permet le choix de nombreuses influences, agit comme un activateur cérébral, dont les musiciens profiteront dans les prochaines années.

Il est réconfortant de constater que c'est en France que Robert Wyatt semble rencontrer la plus large audience. Et une certaine compréhension qui ne peut manquer d'être profondément bénéfique à l'ensemble de la création musicale dans ce pays.

D'autres Anglo-Saxons ont toujours connu chez nous une grande popularité. Ainsi le Gong, qui fut le premier groupe à explorer les petites MJC (Maisons de la jeunesse et de la culture) de banlieue et de province. Après bien des avatars, le Gong n'existe plus, au moins dans sa forme originelle.