Ces dernières années, l'ORTF assurait à lui seul 80 % des exécutions d'œuvres de compositeurs vivants, dont 40 % en province, et, de 1970 à 1974, il a commandé trois cent deux œuvres nouvelles. De plus, en 1974, l'Orchestre de Lille a donné dix-sept concerts publics, celui de Strasbourg cinquante, celui de Nice cinquante-cinq ; douze disques devaient paraître avec les enregistrements réalisés par ces trois orchestres.

La nomination, par Jean Maheu, de Michel Tabachnik à Strasbourg, de Jean-Claude Casadesus à Lille, de Paul Mule et Antonio de Almeida à Nice suffira-t-elle à garantir la survie de ces formations, alors qu'aucun subside ne leur est assuré pour 1976 ? Les syndicats s'en inquiètent et en doutent.

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Avec un budget très inférieur à celui d'organismes d'audience plus limitée (Opéra, Orchestre de Paris), « la radio est absolument le seul moyen musical mis à la disposition de la nation tout entière », remarque le directeur de la musique à Radio-France, Pierre Vozlinsky. En 1974, les cachets de chefs et de solistes des concerts parisiens de la radio n'ont pas dépassé 560 000 F pour l'Orchestre national et 302 000 F pour l'Orchestre philarmonique.

Dans le même temps, l'Orchestre de Paris, lui, pouvait se permettre d'offrir à son directeur musical un contrat annuel de 700 000 F ! Chaque plateau d'ouvrage lyrique donné en concert par Radio-France ne coûte pas davantage que le cachet d'une supervedette pour un soir à l'Opéra. Mais, comme les subventions ont été strictement reconduites pour 1975, elles ont en réalité subi une diminution de 15 %.

Les trois grands orchestres radiophoniques de Paris (national, philarmonique, lyrique) sont, eux aussi, atteints par les « dispositions spéciales », et, pour assurer la fin de saison, il faut engager au cachet des instrumentistes poussés à la retraite anticipée. À défaut de moyens, Pierre Vozlinsky a de l'imagination. Il ne gardera que l'Orchestre national, dont l'effectif sera porté à cent vingt-six musiciens.

Les autres formations (y compris l'orchestre de chambre, qui n'était pas permanent) seront fondues dans un réservoir symphonique de cent trente-six musiciens et où l'on pourra puiser, selon les besoins, depuis l'orchestre de solistes jusqu'à l'hyperorchestre symphonique moderne. Gilbert Amy, qui a voulu et va diriger à partir de 1976 cette phalange peu commune, assure que non seulement elle est adaptée aux exigences actuelles, mais qu'elle est faite pour donner plus de responsabilité, plus de satisfaction professionnelle à des musiciens qui auront une activité plus diversifiée et qui souffraient jusque-là d'en avoir une trop uniforme.

Parallèlement, la réforme musicale de la Radio entraîne un plus grand nombre de transmissions en direct d'orchestres étrangers et de festivals. Un premier accord est passé avec l'Opéra de Paris pour des diffusions exceptionnelles (Don Giovanni, le 12 mars, et Elektra, le 21 avril 1975). Louis Dandrel, critique musical au Monde, est chargé de repenser les émissions musicales, et aussi plus particulièrement la chaîne France-Musique, à partir d'octobre 1975.

Pour les autres sociétés issues de l'ex-ORTF, si le Groupe de recherches musicales semble ne pas trop regretter le départ de Pierre Schaeffer et se satisfaire de dépendre de l'Institut de l'audiovisuel dirigé par Pierre Emmanuel, il faut constater qu'aucune des trois sociétés de télévision n'a encore mené, ni même défini, une véritable politique de production musicale, comme si la compétition instaurée entre les trois chaînes excluait de fait ce genre de programme trop gratuitement culturel.

Déficit

On a beaucoup parlé, cette année, des difficultés financières des entreprises musicales, et pas seulement en France. Les plus illustres théâtres lyriques du monde n'ont pas échappé à la crise. La Scala de Milan, victime d'un retard et d'une réduction d'aide de l'État italien, a dû verser un milliard et demi de lires comme agios bancaires pour 1974, et réduire le nombre de ses spectacles et de ses concerts pour tenter de résorber un déficit atteignant onze milliards de lires en 1975. Des échanges et des coproductions Scala de Milan-Opéra de Paris sont prévus à compter de la saison 1975-76 pour que les frais des réalisations les plus ruineux soient partagés.