Au seuil de l'été, mise à part une reprise technique qui pourrait paraître normale après un tel effondrement, la tendance reste baissière à moyen terme sur le marché du sucre, où l'abondance règne.

Comment a-t-on pu passer aussi rapidement de la pénurie à l'excédent ? Tout simplement par l'effet de la hausse brutale des prix, qui a stimulé la production et réduit la consommation.

Côté production, si les conditions climatiques restent favorables, la récolte de betteraves, en diminution en 1974-75, battra tous ses records en Europe pour la campagne 1975-76. En France, premier producteur de la Communauté économique européenne, les emblavures ont augmenté de plus de 12 %, tandis qu'à l'Est les surfaces plantées se sont sensiblement accrues. On s'attend donc à de très fortes livraisons de sucre blanc l'hiver prochain, tandis que celles de sucre roux (canne à sucre) se maintiendront à de hauts niveaux, sauf catastrophes.

Sous-consommation

En regard est apparu récemment un phénomène de sous-consommation, en réaction à une hausse trop rapide des prix, comme cela s'est produit pour le pétrole et pour les phosphates. Ce phénomène, qui n'étonnera pas les économistes de la vieille école, est appelé à se prolonger du fait de l'existence de stocks importants, constitués en 1974 par les ménages et les industries alimentaires en prévision d'une augmentation des tarifs. Aux États-Unis, premier utilisateur du monde occidental avec plus de 10 millions de tonnes, la diminution de la consommation apparente a été d'environ un million de tonnes. Partant, les clients, qui, après avoir longtemps bénéficié de prix trop bas, acceptent désormais de payer des prix plus normaux, ont réagi vivement contre des majorations qu'ils jugeaient excessives. Autre réaction très normale, la flambée des prix du sucre a développé la concurrence des produits édulcorants naturels, telle la dextrose, tirée de l'amidon du maïs (500 000 tonnes aux États-Unis).

Pléthore prévisible

Dans ces conditions, les experts mondiaux prévoient une pléthore de sucre dans les quinze mois à venir, d'autant que certains pays producteurs, comme les Philippines ou Cuba, n'ont pas vendu tout ce qu'ils désiraient, notamment aux États-Unis, qui ont acheté un million de tonnes de moins. La baisse des cours, toutefois, a subi un coup d'arrêt : certains achats qui avaient été différés dans l'espoir d'une diminution supplémentaire des prix doivent être effectués, ce qui est susceptible de provoquer une légère reprise.

Déficit

À moyen terme, toutefois, le déficit désormais structurel de la production par rapport à la consommation (80 millions de tonnes contre 81 millions en 1974-75) devrait se creuser du fait de l'accroissement du niveau de vie des pays sous-développés, gros mangeurs de sucre, et du découragement des planteurs en cas de baisse trop prolongée des prix. La flambée de l'année 1974 et la très forte chute du printemps 1975 n'auront alors représenté qu'un « accident » dans un processus qui, théoriquement, débouche sur un manque de sucre à l'état endémique à l'horizon 1980-85. Entre-temps, bien des variations peuvent être enregistrées, la spéculation aidant.

La chute des métaux non ferreux

Mai 1974 : les cours des métaux non ferreux atteignent des sommets vertigineux sur des marchés bouillonnant d'une spéculation déchaînée.

Juin 1975 : le marasme le plus total règne, les stocks se gonflent, les prix sont retombés au plus bas niveau depuis dix ans (ou même vingt ans) en monnaie constante.

Jamais, dans le passé pourtant si tumultueux de ces produits, un renversement n'a été aussi brutal et aussi spectaculaire dans le temps comme dans l'espace.

Cuivre

L'exemple du cuivre, le plus utilisé des métaux non ferreux après l'aluminium, donne la mesure de ce renversement et des préoccupations qui assaillent actuellement les principaux pays producteurs (Chili, Pérou, Zaïre, Zambie) réunis au sein du Conseil intergouvernemental des pays exportateurs de cuivre (CIPEC).

Ascension et chute

Après avoir doublé en 1973, le prix du métal rouge augmente à nouveau de 50 % dans les premiers mois de 1974 pour battre tous ses records en mai, à près de 1 400 livres sterling la tonne. Mais le renversement est proche, et la chute sera à la mesure de l'ascension : dès le mois de novembre, les cours retombent au niveau de 600 livres la tonne. Le refroidissement rapide de l'économie mondiale entraîne une diminution de la consommation, notamment dans la construction automobile, et, surtout, le déstockage inconsidéré effectué par certains pays (comme le Japon), qui avaient stocké d'une manière non moins inconsidérée en 1973 et au début de 1974, accentue le mouvement de baisse.

Réductions

Les principaux exportateurs se réunissent alors dans le cadre du CIPEC et décident, pour la première fois depuis la création de leur groupement, en 1967, de réduire de 10 % leurs livraisons pour essayer de stabiliser les prix. Cette décision, qualifiée de « révolutionnaire » tant par les producteurs que par les consommateurs, n'a guère d'influence sur la tenue des cours, qui continuent à glisser tranquillement. Face à une production globale de 7,7 millions de tonnes en 1974 (+ 3,3 %), les stocks, en dépit des fortes ventes du second semestre 1974, se gonflent continuellement et dépassent le million de tonnes à l'été 1975 : un volant disponible, représentant plus de 12 % de la production, n'est guère propice à un redressement de la situation, d'autant que la demande continue à faiblir dans tous les pays.