Le jour même de cette allocution, Alexis Kossyguine atterrit au Caire. À l'issue de trois jours de négociations serrées, le 19 octobre, il parvient avec le président Sadate à un accord sur les conditions d'un cessez-le-feu. Celui-ci, qui intervient le 22, est conclu sur un triple compromis. L'arrêt des combats s'effectue sans engagement d'Israël d'évacuer tous les territoires occupés, mais aussi sans la « destruction » préalable des armées arabes, promise par Golda Meir dans son discours du 16 octobre. Une conférence de la paix serait convoquée non pas sous le patronage de l'ONU (comme l'exigeait Anouar el-Sadate), mais « sous les auspices appropriés », stipule la résolution 338, adoptée le 22 octobre par le Conseil de sécurité. Les belligérants, enfin, sont invités à appliquer immédiatement la résolution 242 de novembre 1967 (ce qui satisfait l'Égypte et la Syrie), mais aucune interprétation n'est donnée à la clause relative aux frontières, conformément aux vœux de Golda Meir.

Henry Kissinger inaugure (avec, semble-t-il, l'accord tacite de Moscou) sa « diplomatie de la navette » au Proche-Orient. Grâce à lui, un accord en six points est conclu le 11 novembre entre l'Égypte et Israël, accord qui permet l'échange de prisonniers, le ravitaillement de la IIIe armée égyptienne assiégée, en échange de la levée discrète du blocus du détroit de Bab el-Mandeb (blocus imposé en pleine guerre par l'Égypte). Cependant, les négociations directes qui s'ouvrent entre militaires égyptiens et israéliens au Kilomètre 101 (sur la route Le Caire-Suez) pour définir les lignes de démarcation (violées après le cessez-le-feu du 22 octobre) aboutissent à une impasse. Sadate renonce à ce préalable pour l'ouverture de la conférence de Genève.

Prisonniers

Le chef de l'État égyptien est d'autant mieux disposé à la négociation qu'il a obtenu la caution des autres pays arabes (à l'exception de la Libye et de l'Irak) à un règlement avec Israël. Le sommet arabe, qui se tient à Alger du 26 au 28 novembre, se prononce en effet pour une « paix juste et durable » au Proche-Orient, à condition que l'État juif restitue tous les territoires qu'il a conquis en juin 1967. La décision est sans précédent. Elle constitue en quelque sorte un feu vert pour l'Égypte, la Syrie et la Jordanie en vue de conclure la paix avec Israël.

Cependant, Jérusalem ayant menacé de boycotter la conférence de Genève si la Syrie persistait dans son refus de livrer la liste des prisonniers israéliens qu'elle détient, le président Assad annonce, le 18 décembre, sa décision de ne pas se faire représenter à la réunion de la paix. L'Égypte et la Jordanie annoncent, malgré tout, leur participation. Israël, à la suite « d'amicales pressions » exercées par Henry Kissinger, se résigne à en faire autant, en dépit de la décision prise le 15 décembre par le Conseil de sécurité de placer la conférence sous les auspices de l'ONU, formule rejetée par Golda Meir. Un compromis de pure forme est réalisé à ce sujet : c'est sur l'initiative des États-Unis et de l'URSS que le secrétaire général de l'ONU lance les invitations à la conférence, laquelle se déroulerait sous la coprésidence des deux supergrands.

C'est dans un climat tendu que s'ouvre à Genève, le 21 décembre, la conférence de la paix. Israéliens, Égyptiens et Jordaniens prononcent des discours militants non dépourvus d'agressivité. Mais la conférence interrompt ses travaux dans un climat d'euphorie. Il est décidé de créer des commissions pour définir les modalités de la séparation des armées sur les divers fronts.

Les négociations israélo-égyptiennes à ce sujet aboutissent à la signature, le 18 janvier, au Kilomètre 101, prévoyant le retrait des forces juives, dans un délai de quarante jours, à une trentaine de kilomètres à l'est du Canal, sur la « ligne des cols » ; la réduction des forces égyptiennes sur cette même rive ; la création entre les deux armées d'une zone tampon de quelque dix kilomètres, dans laquelle stationneraient des troupes de l'ONU.

Après de longues tractations, la Syrie accepte de livrer, le 26 février, la liste des prisonniers israéliens (65 au total), ce qui permet l'ouverture de négociations (par le truchement de Henry Kissinger, qui entreprend des navettes successives entre Damas et Jérusalem) en vue d'aboutir à un accord de dégagement analogue sur le Golan, où des combats ne cessent de se dérouler depuis le début mars.

Nixon

La treizième navette de Henry Kissinger entre Damas et Jérusalem permet d'éliminer le dernier obstacle à une entente : Israël n'exige plus que la Syrie s'engage formellement à restreindre les activités de la résistance palestinienne sur son territoire ; en échange de quoi le chef de la diplomatie américaine se serait porté garant de la bonne volonté des autorités de Damas.