Soumis à diverses pressions convergentes, les États-Unis adoptent à l'égard d'Israël une attitude ambiguë. Washington se refuse de qualifier d'agression l'attaque combinée syro-égyptienne du 6 octobre et n'établit un pont aérien pour la fourniture de matériel militaire à l'État juif que le 13 octobre, soit une semaine après le début des livraisons massives d'armement soviétique à la Syrie et à l'Égypte.

D'autre part, ce sont des pressions américaines qui empêchent l'armée du général Dayan de remporter une victoire décisive le long du canal de Suez.

Cessez-le-feu

À la suite d'un accord conclu avec les dirigeants soviétiques, Henry Kissinger insiste et obtient du gouvernement de Jérusalem qu'il accepte l'instauration, le 22 octobre, d'un cessez-le-feu jugé prématuré par l'état-major israélien. Ce dernier ayant, malgré tout, poursuivi son offensive sur la rive occidentale du Canal, le secrétaire d'État américain intervient énergiquement une seconde fois pour obtenir, le 25 octobre, l'arrêt des hostilités alors que la chute de la ville de Suez paraissait imminente. Dans les deux cas, Henry Kissinger invoque l'intérêt de la paix mondiale.

Il est vrai qu'une sérieuse crise soviéto-américaine, qui risquait de dégénérer en une confrontation militaire, avait éclaté entre les deux cessez-le-feu.

Le 23 octobre, l'URSS avait sommé Israël d'interrompre son offensive. Le lendemain, le président Sadate invitait les États-Unis et l'Union soviétique à envoyer des troupes pour veiller à l'application du cessez-le-feu. Le jour même, la CIA apprend que les Russes s'apprêtaient à débarquer en Égypte. Ils avaient, à cet effet, mis en alerte 50 000 paracommandos, dépêché en Méditerranée 6 000 fusiliers-marins, tandis que plusieurs escadrilles d'Antonov-22 s'apprêtaient à prendre l'envol de divers aéroports d'Europe de l'Est pour se diriger vers la vallée du Nil.

Pour parer à toute éventualité, le président Nixon, qui avait reçu un message menaçant de L. Brejnev, mettait ce jour-là (le 24 octobre) les forces américaines en état d'alerte. C'est ainsi que Washington et Moscou, pour éviter le pire, conclurent un compromis, aux termes duquel des forces de l'ONU seraient envoyées en Égypte pour garantir le respect du cessez-le-feu.

Équivoque

Américains et Soviétiques, dans leur souci d'éviter une confrontation et de ne pas compromettre la détente internationale, se comportent pendant et après la guerre d'une manière qui mécontente leurs alliés respectifs. « Nous nous sommes progressivement rendu compte, déclarait peu après le conflit le général Bar Lev, qu'aussi bien les États-Unis que l'URSS, ne souhaitaient pas une victoire totale d'Israël. »

Les responsables à Washington ne cachent pas, en effet, leur volonté de créer un certain équilibre au Proche-Orient, seul susceptible à leurs yeux de favoriser la paix entre Israéliens et Arabes. D'ailleurs, les dirigeants du Kremlin ne cessent d'affirmer qu'ils ne permettraient pas que les Arabes subissent une débâcle analogue à celle de 1967, débâcle qui ne manquerait pas de miner les positions soviétiques dans la région. Les responsables américains cherchent, en outre, à ne pas susciter l'antagonisme du monde arabe, dont la puissance économique, financière et politique se manifeste d'une manière éclatante sur la scène internationale.

L'attitude de l'URSS à l'égard de ses alliés arabes paraît, de même, équivoque à ces derniers. Moscou, certes, souhaite (et le démontre dans les faits) le succès des armées égyptienne et syrienne, mais s'oppose à une extension du conflit au territoire à proprement parler d'Israël. Outre des mises en garde discrètes adressées avant la guerre au Caire et à Damas, le Kremlin refuse de livrer un armement offensif (selon le terme du président Sadate) qui permettrait aux assaillants d'atteindre l'État juif, notamment des fusées à longue portée et des bombardiers à long rayon d'action. Une victoire limitée dans l'espace, aux yeux des dirigeants soviétiques, devrait seulement ouvrir la voie au début des négociations dans des conditions politiques favorables aux Arabes.

Compromis

C'est ainsi que le « plan de paix en cinq points » présenté en pleine guerre, le 16 octobre, par le président Sadate est accueilli avec soulagement par les deux superpuissances. Le chef de l'État égyptien, dans un discours radiotélévisé, propose la convocation (après l'évacuation des troupes israéliennes des territoires occupés) d'une « conférence internationale dans le cadre des Nations unies [...] afin d'établir [...] une paix fondée sur le respect des droits légitimes de tous les pays de cette région ». La Syrie et la Jordanie devaient se rallier à cette proposition.