La raison d'être des réseaux d'ordinateurs est la généralisation des banques de données. De plus en plus, on demande aux ordinateurs non de faire des calculs compliqués, mais de fournir des renseignements, extraits de fichiers plus ou moins complexes. Un réseau d'ordinateurs pourra ainsi mettre au service de ses clients un grand nombre de fichiers. Il permettra aussi d'en fabriquer facilement de nouveaux à partir d'anciens, remis à jour. Certains fichiers doivent être réservés à des utilisateurs qui les ont fournis ou qui ont payé spécialement pour en avoir l'exclusivité. D'où toute une procédure de secret délicate à mettre en œuvre.

L'extension des banques de données inquiète nombre de particuliers ou de sociétés. Personne n'aime en effet être mis en fiche. Une législation spéciale est donc à l'étude dans la plupart des pays pour protéger la liberté individuelle. Elle pourrait reconnaître le droit de chacun à savoir ce qui est inscrit à son propre sujet, ce qui permettrait de corriger les erreurs et de compléter les informations. Pour l'instant, les banques de données n'étant qu'à leurs débuts, le problème n'est pas trop aigu. Il le deviendra avec la généralisation des réseaux d'ordinateurs. Un seul réseau de grande taille existe aux États-Unis. Il sera bientôt rejoint par plusieurs autres. L'Europe ne veut pas être en reste. La France dispose déjà du réseau expérimental Cyclades.

À côté de la grande informatique, on voit proliférer les minimachines à calculer électroniques, dont certaines coûtent à peine plus de 200 F. Certes, pour ce prix on ne dispose que d'un appareil aux performances limitées. Le nombre de chiffres significatifs n'est pas très grand. Mais, pour un peu plus cher, on a un appareil capable d'effectuer la plupart des opérations qui intéressent les financiers et les ingénieurs. Pour 4 000 à 5 000 F on aura même un véritable petit ordinateur de poche programmable.

Ces minicalculatrices font beaucoup pour démythifier l'informatique. Devenue plus proche, elle fait moins peur et entre dans l'usage courant. C'est probablement pour cette raison que le gouvernement français a voulu que l'on cesse d'y employer trop exclusivement des termes anglo-saxons. On ne doit plus maintenant parler de hardware, mais de matériel. Quant au software, ce terme qui recouvre tout l'art et la science de la programmation, il s'appellera désormais logiciel, du moins si chacun de nous veut bien employer ce nouveau mot.

« Cyclades », premier réseau européen d'ordinateurs

Présentant le premier réseau d'ordinateurs réalisé en Europe, Maurice Allègre, délégué général à l'Informatique, a expliqué l'appellation qui lui a été donnée : « Les Cyclades, îles grecques de la mer Égée, sont ainsi nommées parce qu'elles forment un cercle. Je crois qu'il faut retenir l'image : les centres de traitement sont encore aujourd'hui des îles isolées au milieu d'un océan de données qui submerge notre civilisation. Or, grâce au réseau, voici que ces îles vont pouvoir être reliées les unes aux autres et participer ainsi à un vaste cercle d'échange d'informations qui conditionnera le développement futur de notre société. »

Les réseaux généraux d'ordinateurs, comme Arpa aux États-Unis et Cyclades en France, ne sont pas conçus pour une utilisation particulière, ni pour centraliser des traitements sur un seul équipement ou sur un groupe d'équipements. Leurs caractéristiques sont, au contraire, la dispersion et la diversité. Ils permettent à tous les utilisateurs d'accéder à un grand nombre de ressources sans fixer a priori de restrictions sur la localisation et les caractéristiques des uns et des autres.

Pour relier entre eux des ordinateurs de types différents, pour leur permettre de dialoguer et de traiter réciproquement leurs informations, un organisme central de transmission est nécessaire. Il possède ses propres petits ordinateurs, qui assurent le fonctionnement et la gestion du réseau de commutation de paquets. Ce terme désigne un mode particulier de transmission des messages. Au lieu d'être communiqués au fur et à mesure, ils sont stockés et acheminés par morceaux, par paquets, selon la disponibilité des lignes de communication et l'intensité du trafic. Ce système est le mieux adapté au transfert des informations pour les réseaux généraux d'ordinateurs. Il permet notamment de choisir telle ou telle ligne de communication en fonction des possibilités du moment : les divers paquets ne suivent pas forcément le même chemin pour arriver à destination.