Ce succès massif des réacteurs à eau légère s'explique par le climat de crise énergétique et par le fait que ces réacteurs, commandés en grand nombre, sont les seuls considérés comme relativement au point. En revanche, ils posent des problèmes qui risqueront de peser de plus en plus lourd sur les bilans énergétiques et commerciaux finaux :
– fonctionnement à température peu élevée ; les rendements thermiques de ces réacteurs sont médiocres (27 à 33 %) comparés aux rendements des centrales modernes à combustibles fossiles (40 %) ou aux rendements recherchés avec des cycles turbine à gaz-turbine à vapeur ou des cycles d'avant-garde tels que la MHD (50 %). Les rejets de calories (pollution thermique) sont relativement importants et posent de difficiles problèmes de sites ;
– enrichissement de l'uranium ; les réacteurs à eau légère consomment de l'uranium enrichi à 2-3 % d'uranium 235. Actuellement, seuls les États-Unis disposent d'installations commerciales, bien que l'URSS se manifeste également depuis quelque temps sur le marché. Rien qu'avec les programmes actuels, les capacités de production des usines américaines deviendront vraisemblablement insuffisantes autour des années 80. Il est donc nécessaire – et de plus en plus – de construire de nouvelles installations : non pas une, mais plusieurs. Indépendamment des implications politiques (secret des technologies, contrôle des matières fissiles, souverainetés...), ces installations coûtent cher : de 1 à 2 milliards de dollars pour une usine moyenne, de 6 à 10 millions d'unités de travail de séparation ou UTS. De plus, deux techniques s'affrontent : la diffusion gazeuse, bien connue (Pierrelatte), mais qui souffre de consommations élevées d'électricité (2 400 kWh par UTS), et l'ultracentrifugation, moins éprouvée au point de vue technique, mais faible consommatrice d'électricité (environ 200 kWh par UTS).
L'impossibilité de mettre d'accord, en Europe, partisans de la diffusion (groupement Eurodif autour du CEA) et partisans de l'ultracentrifugation (Urenco-Centec, association des Allemands, des Britanniques et des Néerlandais) a conduit à la décision de principe de laisser les deux groupes concurrents construire deux installations différentes.
Partant de 400 000 UTS par an fin 1976, Urenco-Centec envisage d'accroître sa capacité de production au rythme de 2 millions d'UTS par an à partir de 1980.
Pour la diffusion gazeuse, Eurodif (France, Belgique, Italie, Espagne et Suède) a décidé, en novembre 1973, de construire une usine dont la capacité serait de 4,7 millions d'UTS en 1979, pour s'élever progressivement à 9,3 millions d'UTS en 1981. Le 21 mars 1974, la Suède se retire d'Eurodif ;
– utilisation de l'uranium. Les réacteurs à eau légère ne brûlent qu'une faible fraction (entre 1 et 2 %) de l'uranium dont ils sont chargés. Ils vont conduire à un épuisement rapide des ressources en uranium. Estimées aujourd'hui à environ 0,85 million de tonnes d'uranium contenu (soit, dans les conditions de marché actuel, moins de 10 dollars par livre d'oxyde d'uranium), les réserves prouvées seront épuisées au début de la décennie 80. Le problème est donc de savoir si des réserves seront trouvées en quantités suffisantes pour satisfaire aux besoins prévisibles d'ici l'an 2000 (besoins cumulés variant entre 3 et 5 millions de tonnes selon les estimations) et au-delà. Certaines prévisions font état de réserves possibles de l'ordre de 80 millions de tonnes aux conditions actuelles ; d'autres, beaucoup moins optimistes, font état d'une pénurie possible à la fin des années 80. Quant à l'extraction de l'uranium à partir de gisements très pauvres (comme les schistes uranifères contenant quelque 50 ppm d'uranium), ils posent en fait des problèmes miniers dont on n'a pas encore mesuré toute l'importance.

Surgénérateurs

Les surgénérateurs (qui produisent de la matière à partir de l'uranium 238) résolvent ce problème des réserves et de l'utilisation de l'uranium. Ils ont franchi des étapes qui devraient en principe les rapprocher de la maturité commerciale.
– BN-350, le réacteur rapide de Chevtchenko (sur la Caspienne), a démarré et est monté en puissance ; il semble que des difficultés aient surgi fin 1973, sans doute avec les échangeurs de chaleur à sodium fondu ;
– PFR, à Dounreay (Grande-Bretagne), a commencé sa montée en puissance le 3 mars 1974 ;
– Phénix à Marcoule ; le prototype français Phénix de 250 MWé, qui a divergé le 31 août 1973, a été couplé au réseau le 15 décembre 1973, tout en continuant sa montée en puissance jusqu'au printemps 1974. On envisage de commander l'étape suivante (Super-Phénix, 1 200 MWé) au début de 1975 ; un site a été retenu dans l'Isère.

Chaleur

La crise de l'énergie a stimulé l'intérêt pour l'utilisation directe de la chaleur nucléaire (sans passer par l'électricité), notamment pour des usages industriels :
– la vapeur à moyenne température intéresse de nombreuses industries (chimie, papeterie, alimentation), dont les besoins pourraient vraisemblablement être satisfaits à partir des réacteurs actuels à eau légère ;
– la vapeur à haute température que pourraient fournir des réacteurs du type HTGR (High Temperature Gas cooled Reactor), dont un prototype de 330 MWé a démarré à Fort Saint Vrain (Colorado, USA), au début de 1974, intéresserait chimie, pétroléochimie, sidérurgie ;
– la production d'hydrogène par décomposition thermochimique de l'eau.