La voie choisie pour la réforme est celle du vote par le Parlement. C'est-à-dire que chacune des deux assemblées doit adopter le projet à la majorité simple en termes identiques ; puis, réunies en congrès du Parlement, à Versailles, elles doivent ensuite procéder à son vote définitif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

En septembre, le président de la République déploie une activité soutenue et la rentrée politique est rapide. Le 5, le gouvernement adopte le projet de réforme de la Constitution qui est déposé le 11 au Parlement. Tandis que les événements du Chili provoquent une vive émotion ainsi que de nouvelles et vigoureuses prises de position à gauche et des protestations jusqu'au sein de la majorité, le chef de l'État effectue en Chine, du 10 au 16, le voyage que de Gaulle aurait tant aimé y faire pour rencontrer Mao, géant de l'histoire du temps. Toutefois, les souffrances et la fatigue de Georges Pompidou entraînent un allégement du programme de cette visite amicale, cordiale, qui demeure néanmoins sans conséquences pratiques, du moins pour l'immédiat.

À peine est-il rentré que les élections cantonales pour le renouvellement de la moitié des sièges de conseillers généraux, les 23 et 30 du mois, font apparaître un certain tassement des voix communistes au profit des socialistes et radicaux groupés dans l'Union de la gauche socialiste et démocrate (UGDS) qui progresse légèrement, tandis que le centre et la majorité demeurent stables.

Une conférence de presse du président de la République précède, le 27, la rentrée parlementaire. Georges Pompidou met l'accent sur son projet de raccourcissement du mandat présidentiel, s'employant à laisser l'impression qu'il a d'ores et déjà décidé de se représenter en 1976. Il traite avec fermeté de la politique nucléaire, avec réserve de l'avortement, avec réticence du Chili. La session des assemblées s'ouvre sur un vote de confiance : l'opposition en effet a déposé une motion de censure visant la politique générale du gouvernement ; elle recueille, le 9 octobre, 181 voix, alors qu'il en eût fallu 246 pour qu'elle fût adoptée.

La discussion de la réforme constitutionnelle est tendue, difficile. Le 18 octobre enfin, le projet abrégeant le mandat recueille au Palais-Bourbon 270 voix contre 211. La plupart des réformateurs (25 sur 34), trois UDR, dont Maurice Couve de Murville, ont voté contre, six autres, dont Michel Debré se sont abstenus. Il s'en faut de 18 voix que la majorité des trois cinquièmes, exigée au Congrès, soit atteinte. Le Sénat renvoie la balle aux députés en votant à son tour le projet, le 19, par 162 voix contre 112 et cette fois il manque trois bulletins pour que les trois cinquièmes des suffrages soient réunis. Le congrès du Parlement, dont la convocation avait été prévue pour le 19 précisément, est ajourné ; Georges Pompidou, ainsi qu'il en a le droit, décide de ne pas lui soumettre « pour le moment » la réforme. Et l'autre voie, celle du référendum, est également écartée, le président (on le saura plus tard) ne se sentant pas en état de soutenir une telle campagne. En fait, c'est l'abandon du projet et un échec du chef de l'État, dont l'autorité sort quelque peu entamée de cette bataille pour rien.

Inquiétude

Les incidents, les causes de tensions sont nombreux au cours de cet automne et de l'hiver. À l'affaire Lip, aux affrontements qui ont pour toile de fond ou pour objet la politique nucléaire française, le Chili et, à partir du 6 octobre, la guerre israélo-arabe, s'ajoutent sans cesse de nouveaux thèmes de discorde. Ainsi les discussions au sein du mouvement gaulliste sont-elles évidentes à l'occasion de l'élection, le 6 octobre, au poste de secrétaire général de l'UDR, d'Alexandre Sanguinetti qui l'emporte au troisième tour de scrutin et d'une courte tête (58 voix contre 56) sur André Fanton. Incident encore avec le conflit qui oppose Arthur Conte, président-directeur général de l'ORTF au ministre de l'Information Pierre Malaud. Le chef de l'État et le Premier ministre tranchent : le 23 octobre Arthur Conte est révoqué et remplacé par un haut fonctionnaire, Marceau Long ; P. Malaud est déplacé (il est chargé de la Fonction publique) et J.-P. Lecat lui succède à l'Information. Tension aussi autour de la loi Royer qui divise majorité et opposition.