Architecture

Le prestige et la nécessité

Un point de non-retour, une étape importante vient d'être franchie. Pour la première fois, en matière de logement comme de cadre de vie, le qualitatif prend le pas sur le quantitatif. Sans doute paraît-il difficile de redresser certaines orientations déjà anciennes comme la politique des villes nouvelles, décevantes à bien des égards, ou la dégradation de l'urbanisme parisien.

Lancées il y a dix ans, les villes nouvelles, faute de jouer pleinement le rôle qui leur avait été attribué, atteignent, pour les plus anciennes d'entre elles, un seuil de crédibilité : Évry met en chantier son centre-ville et développe les offres d'emploi sur place ; Cergy-Pontoise, Saint-Quentin-en-Yvelines et Marne-la-Vallée se dotent de nouveaux quartiers et d'équipements à la mesure de leurs ambitions. Mais cela ne suffit pas.

Échec

Le déséquilibre de la capitale vers l'ouest s'accentue sous la pression de promoteurs qui convoitent cette région, notamment dans le secteur de Versailles. Le nouveau complexe de la porte Maillot, le développement inexorable de la Défense, la rénovation du Front de Seine attirent chaque jour davantage les bureaux, quelles que soient les tentatives pour les fixer dans le secteur de la gare de Lyon-Bercy ou vers les nouveaux quartiers de Créteil et de Bobigny. La politique de rééquilibrage de la capitale vers l'est semble donc vouée à l'échec, tout au moins aussi longtemps que des mesures autoritaires ne seront pas prises pour l'organiser. À Créteil, la population doit passer de 50 000 à 125 000 habitants et l'emploi de 7 000 à 40 000 d'ici à 1980 : de nouveaux quartiers, aux formes modernes, sortent de terre à un rythme rapide.

Trois réalisations prestigieuses, trois symboles de l'architecture officielle, trois œuvres contestées sinon contestables ont été inaugurées à quelques mois d'intervalle : la tour Maine-Montparnasse (13 septembre 1973), le Centre international de Paris (28 février 1974) et l'aéroport de Roissy-en-France (8 mars 1974).

Démesure

La tour Maine-Montparnasse, qui a suscité bien des polémiques, est, avec la Défense et le Front de Seine, le symbole de la démesure dans une ville qui s'écarte de plus en plus d'une cote aux dimensions humaines ; elle est aussi le résultat d'une politique foncière qui conduit à construire en hauteur pour rentabiliser au maximum les terrains.

Si le bien-fondé d'une telle réalisation tout comme l'utilité d'un Centre international pour Paris ne sont pas discutables, la réalisation comme l'expression spatiale laissent souvent à désirer. À Roissy comme à Montparnasse, c'est le fonctionnel qui prime ; à la porte Maillot, le prestige.

Mais l'Administration cherche à améliorer l'architecture :
– en ouvrant davantage la profession d'architecte ;
– en développant une politique de recherche et d'innovation dans l'habitat ;
– en décentralisant le permis de construire ;
– en favorisant la réhabilitation des centres-villes par la restauration, notamment en province.

Traditionnel et conformiste par essence, l'habitat (si l'on excepte quelques manifestations monumentales du génie créateur) n'est plus un secteur où l'on sait oser. Il fallait loger ou reloger des millions de personnes, le plus vite possible, le moins cher possible. Face à une situation de pénurie, il ne restait que peu de temps et de moyens pour l'intéresser au qualitatif plutôt qu'au quantitatif.

Le résultat est connu : grands ensembles mornes, ZUP uniformes, barres et tours inhumaines, indigence pavillonnaire. Mais la lente prise de conscience du consommateur commence à faire passer au premier plan la recherche d'une certaine qualité de la vie, de l'habitat, des produits.

Tentatives

Il s'agissait, par différentes interventions (plan construction, programme, architecture nouvelle, modèles, innovations, réalisations expérimentales, etc.), de porter le niveau des dépenses totales de recherche à un rythme minimal de 1 % du chiffre d'affaires de la construction (contre 0,1 % auparavant), de suivre ces innovations en les expérimentant, de rechercher de nouvelles techniques, d'ouvrir l'esprit du public à l'innovation, etc. Quelles que puissent être les réserves faites, force est de reconnaître que l'effort commence à porter ses fruits avec, notamment, les pyramides d'Andrault et Parat à Villepinte, la rénovation d'Ivry, de Renaudy, ou l'architecture angevine de Kalougine. Dire que ces expériences pourront jouer un rôle moteur auprès de la promotion privée, c'est probable à long terme. Il faut néanmoins demeurer vigilant si l'on ne veut pas risquer de donner naissance à une architecture officielle et jeter ainsi l'anathème sur tout autre mode d'expression (les difficultés de la municipalité de Dieppe pour faire accepter son programme de ZAC conçu par O. Niemeyer en est un exemple).