L'opinion syrienne est persuadée que les résultats négatifs de la guerre sont dus moins à des erreurs commises par leur armée que par l'attitude équivoque de l'Égypte. Le gouvernement de Damas laisse entendre qu'il a été contraint d'accepter un cessez-le-feu, décrété sur le front du Sinaï sans son accord ; en décembre et en janvier, il reproche au président Sadate d'avoir conclu un accord de dégagement militaire, sans attendre des arrangements analogues dans le Golan, affaiblissant ainsi la capacité de marchandage de la Syrie.

Fermeté

Cette dernière manifeste une nouvelle fois son mécontentement quand d'autres pays arabes, l'Égypte et l'Arabie Saoudite en tête, décident, en mars, de lever l'embargo pétrolier qui frappait les États-Unis. La fermeté du président Assad lors des négociations menées avec Israël par le truchement de Henry Kissinger, fermeté qui devait retenir au Proche-Orient le secrétaire d'État américain pendant tout le mois de mai, a également contribué à entretenir le prestige du chef de l'État syrien.

Le retrait de l'armée israélienne non seulement du territoire conquis en octobre 1973, mais aussi d'une partie du Golan, y compris la ville de Kouneitra, a valu au général Assad un vibrant hommage de la part de son parti, le Baas, qui a tenu début juin un congrès extraordinaire, ainsi que des formations qui constituent le front des partis de gauche, membre de la coalition gouvernementale.

Fort de ce soutien, le président syrien assouplit sa position dans le conflit israélo-arabe. Dans un discours radiodiffusé, le 8 mars 1974, il apporte sa caution explicite à la résolution 242 du Conseil de sécurité. Le lendemain de la conclusion de l'accord de dégagement dans le Golan, il déclare à Newsweek qu'il ne voyait pas pourquoi Israël et les pays arabes ne vivraient pas en paix si les deux conditions à un règlement devaient être remplies : l'évacuation par l'armée juive de tous les territoires conquis en 1967 et le respect des droits nationaux du peuple palestinien.

Soutien

Le 7 juin, le président du conseil, Ayoubi, admet que l'URSS avait joué « un rôle prépondérant » dans les négociations qui ont conduit à un compromis dans le Golan. En trois mois, du 27 février au 27 mai, Andreï Gromyko s'était rendu à quatre reprises à Damas pour appuyer les positions du général Assad, et sans doute aussi pour lui prodiguer des conseils.

L. Brejnev, dans le discours qu'il prononce à l'occasion de la visite à Moscou, du 11 au 14 avril 1974, du général Assad, invite son « ami et camarade » à se méfier de ceux qui cherchent « à substituer à un règlement général au Proche-Orient toutes sortes d'accords partiels ». La visite se solde par un renforcement des liens entre les deux pays.

Plusieurs accords sont signés, dont l'un, à long terme, concernant la coopération économique et technique, un autre portant sur les échanges culturels et scientifiques. Le communiqué conjoint publié le 14 avril fait état de l'engagement pris par Moscou de « consolider le potentiel défensif » de la Syrie.

Sur ce chapitre, la discrétion est de rigueur, mais divers journaux libanais font état de la livraison de Mig 23, Mig 25 et Mig 27, ainsi que de missiles sol-sol Scud. Dès le 10 janvier, le chef de l'état-major général américain, l'amiral Moorer, avait révélé que l'URSS fournissait à la Syrie des fusées qui pouvaient atteindre le cœur de Tel-Aviv et autres villes israéliennes.

L'attitude du général Assad à l'égard de l'URSS est beaucoup plus amicale que celle du président Sadate. Avant même la guerre d'octobre, le chef de l'État syrien multipliait les déclarations chaleureuses. Le 5 juillet 1973, par exemple, en inaugurant le barrage de l'Euphrate, construit par l'URSS, il affirmait que cette réalisation demeurerait « le symbole éternel de l'amitié entre la nation arabe et les peuples soviétiques ».

Diplomatie

Après avoir établi, le 28 mai 1973, les relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne, le président syrien commence à encourager les échanges avec l'Europe occidentale dans tous les domaines. Diverses transactions sont conclues avec la France avant la visite de Michel Jobert à Damas, les 28 et 29 janvier. Aussitôt après la guerre d'octobre, le président Assad autorise l'échange officieux de diplomates avec Washington. Le 4 juin, quatre jours après la signature de l'accord sur le dégagement dans le Golan, les deux capitales annoncent leur intention de normaliser leurs relations. Le même jour, Henry Kissinger indique que les États-Unis envisagent d'accorder à la Syrie une somme de 100 millions de dollars pour reconstruire la région que les Israéliens doivent leur restituer.