L'État péruvien prend, le 1er janvier 1974, le contrôle de la Cerro de Pasco Corporation. Cette société emploie 15 000 personnes, produit 50 % du zinc péruvien, 35 % du plomb, et reste la première exportatrice mondiale de bismuth.

Nationalisations

Dès septembre 1973, la centrale des travailleurs réclame la nationalisation. Des négociations s'engagent avec la direction de la Cerro. Mais beaucoup jugent les négociateurs péruviens trop modérés (c'est le cas de la revue Société et Politique, qui sera suspendue début novembre ; son directeur, Anibal Quijano, devra s'exiler).

La Cerro de Pasco, qualifiée par le président Juan Velasco Alvarado de « symbole le plus voyant de la présence de l'impérialisme au Pérou », devient société d'État sous le nom de Centromin-Peru.

L'accord de février porte également sur l'indemnisation des entreprises de pêche industrielle, expropriées en janvier 1973, et sur celle de la Grace Corporation, groupe tentaculaire qui s'occupe de canne à sucre, de papiers, de cartons, d'allumettes, d'alcools, etc.

Le Pérou bénéficie de conditions assez favorables : un prêt américain à long terme et à faible taux d'intérêt financera les indemnisations. Selon Business Week, la somme globale serait de 125 millions de dollars, dont 65 pour la Cerro (elle en exigeait le double) et 35 pour la Grace.

Depuis le putsch chilien, les militaires péruviens, qui poursuivent leur politique socialisante, se sentent cernés par des régimes autoritaires et craignent un conflit localisé sur leur frontière méridionale. Il est question de fournir un débouché maritime à la Bolivie dans la province chilienne d'Arica. Aux termes du traité d'Ancon de 1929, cette décision ne peut intervenir sans l'accord du Pérou, détenteur de cette région jusqu'à la guerre du Pacifique (1879-1884).

Pour pallier toute éventualité, le Pérou se procure environ 200 chars moyens T-55 en Union soviétique ; quelques Mirage lui sont fournis par la France. Ces livraisons d'armement et les bruits répandus par les services de renseignements américains selon lesquels des conseillers militaires soviétiques servent au Pérou sont habilement exploités par la junte chilienne, qui dénonce la « course aux armements » de son voisin. Les militaires péruviens rappellent qu'ils ont plusieurs fois, et sans succès, proposé le désarmement progressif de l'Amérique latine.

Social

Sur le plan intérieur, les militaires se heurtent toujours aux problèmes d'analphabétisme, de chômage, d'exode rural, qui suscitent un certain mécontentement populaire. En novembre 1973, les dirigeants du Syndicat unique des travailleurs de l'éducation (SUTEP) sont arrêtés pour avoir « saboté la réforme de l'éducation » et « fomenté des grèves ».

Pour protester contre cette mesure, le Front de défense du droit syndical déclenche une grève massive et illimitée à Arequipa, deuxième ville du pays. Des désordres ont lieu. Le 20 novembre, les autorités proclament l'état de siège et suspendent les garanties constitutionnelles dans les départements de Puno et d'Arequipa. La violence et la révolte gagnent Cuzco, où l'état d'urgence est décrété le 23 novembre, après qu'un étudiant eût été tué par balles.

Une crise plus profonde semble s'ouvrir au début de juin ; le gouvernement décide de dissoudre le Parti de l'action populaire dirigé par Fernando Belaunde, qui fut le premier magistrat du pays de 1963 jusqu'à son renversement en 1967. Le 30 mai, le ministre de la Marine donnait sa démission, suivi, huit jours plus tard, par deux autres officiers ; ces démissions sont interprétées par les observateurs comme le signe d'une crise au sein de la junte.

Un glissement de terrain, fin avril 1974, ravage la vallée du rio Mantaro. Le bilan de ce désastre s'élève à plus de 600 morts et 200 disparus.

À l'extérieur, les rapports avec la France restent marqués par le problème des essais nucléaires dans le Pacifique, auxquels le Pérou s'oppose fermement. Lima prend, le 23 juillet, l'initiative de rompre ses relations diplomatiques avec Paris, pour mieux souligner le sérieux de sa protestation.