Dans un grand discours prononcé le 29 janvier devant près d'un million de personnes, Fidel Castro rend hommage à l'Union soviétique, dont l'aide militaire « gratuite » vaut à l'armée cubaine d'être la plus forte de toute l'Amérique latine, affirme-t-il. Il souligne aussi que l'URSS n'a pas investi à Cuba un centavo qui lui rapporte des dividendes.

L'attitude de La Havane à l'égard de Moscou s'explique par les échecs de plusieurs expériences et par le fait que l'économie cubaine dépend aujourd'hui presque totalement de l'aide soviétique. On estime, au début 1974, que la dette extérieure est supérieure à quatre milliards de dollars.

Coexistence

Le poids de l'assistance à Cuba se fait particulièrement lourd pour l'URSS, qui verrait certainement d'un bon œil la fin de l'isolement cubain dans l'hémisphère occidental.

À cet égard, il est remarquable que, dans sa réponse à Castro, Brejnev donne l'impression de s'adresser autant aux dirigeants américains qu'au lider maximo.

« L'Union soviétique, déclare-t-il, considère comme inadmissible et criminelle toute tentative d'exporter la contre-révolution », mais elle s'oppose, ajoute-t-il aussitôt, à « l'exportation de la révolution », qu'il faut laisser à chaque pays le soin de mener. Après avoir fait l'apologie de la coexistence pacifique, « hirondelle annonciatrice de la paix », et vanté les mérites du dialogue avec les Américains, Brejnev rappelle à Castro que les « armes soviétiques aux mains des Cubains ne sont destinées à attaquer personne ».

La déclaration commune signée à la fin du séjour exige la levée du blocus économique et politique décrété par les États-Unis à l'encontre de Cuba, ainsi que le démantèlement de la base de Guantanamo.

La normalisation des relations entre Cuba et les États-Unis n'est pas écartée a priori par Washington. Au début du mois de février, un important homme d'affaires américain, Cyrus Eaton, se rend à La Havane. Il s'entretient avec Castro des problèmes économiques du pays. À la fin du même mois, les représentants en Argentine de sociétés américaines, dont General Motors, Ford et Chrysler, se joignent à une mission commerciale argentine de 280 membres, conduite par José Gelbard, ministre de l'Économie, pour étudier les possibilités offertes par le marché cubain.

Ouverture

Tout semble aller dans le sens d'une ouverture entre Cuba et le reste des deux continents américains. Successivement, des ministres mexicain, vénézuélien, une délégation parlementaire canadienne viennent confirmer à La Havane la volonté de nombreux pays de voir Cuba réintégrer la communauté interaméricaine.

Après l'invitation non déguisée de Brejnev à plus de souplesse à l'égard de Washington, Castro prononce, le 23 février, un discours violemment anti-américain à l'occasion de la visite officielle d'Erich Honecker, premier secrétaire du Parti socialiste unifié d'Allemagne de l'Est.

La question des relations avec les États-Unis est l'une des seules sur lesquelles les Soviétiques ne peuvent pas forcer la main à Fidel Castro. En fait, il ne souhaite pas hâter le dégel, que d'aucuns jugent inéluctable. Le renversement de la politique anti-yankee, sur laquelle il a fondé son régime, risque de porter atteinte à son prestige.

Néanmoins, Cuba fait savoir, à l'occasion de la rencontre entre Kissinger et les ministres des Affaires étrangères latino-américains, le 18 avril 1974 à Washington, qu'il serait disposé à participer « dans un esprit constructif » à la prochaine réunion interaméricaine, en mars 1975, à Buenos Aires. Nombre d'observateurs considèrent cette décision comme un premier compromis, susceptible de satisfaire à la fois La Havane et Washington, même si le Brésil, le Chili et la Bolivie éprouvent quelque répugnance à s'asseoir à la même table que Cuba.

Démocratisation

Parallèlement, une certaine démocratisation de la vie politique s'amorce à Cuba. Le 13e congrès de la Centrale des travailleurs cubains (CTC), qui s'achève le 20 novembre 1973, marque une première étape. À cette occasion, Castro annonce un retour à des méthodes économiques plus orthodoxes. L'augmentation de la production, affirme-t-il, passe par une meilleure organisation du travail et par une plus grande démocratisation de la vie politique. C'est ainsi que les syndicats seront invités périodiquement à prendre part aux conseils des ministres.