Armée

Le nouveau service national et la bataille du sursis

Michel Debré abandonne, le 3 avril 1973, les responsabilités de ministre d'État chargé de la Défense nationale, et dans le nouveau gouvernement que Pierre Messmer met sur pied après les élections législatives, c'est Robert Galley qui prend le titre de ministre des Armées, assisté d'un secrétaire d'État, Aymar Achille-Fould. Ce changement de titulaire est, du même coup, l'occasion d'une redistribution des responsabilités de la Défense nationale et un retour à une organisation militaire définie par l'ordonnance du 7 janvier 1959. Le rétablissement d'un ministère des Armées à vocation plus gestionnaire et le fait que le secrétariat général de la Défense nationale dépende à nouveau du Premier ministre redonnent aux conseils de défense, présidés par le chef de l'État, une influence et un rôle déterminants dans l'orientation de la politique militaire.

Sursis

Le départ de Michel Debré intervient en pleine bataille sur le service militaire et les sursis. Les lycéens et les étudiants, tant à Paris qu'en province, sont descendus dans la rue en mars, à plusieurs reprises, pour réclamer l'abrogation d'une loi, adoptée par le Parlement en 1970, qui a réduit à un an la durée du service militaire, supprimé les sursis d'incorporation et instauré entre dix-huit et vingt et un ans le libre choix pour l'appel sous les drapeaux. Les circonstances ont fait que le nom de M. Debré soit attaché à une loi dont le ministre de la Défense n'est ni le véritable ni l'unique auteur. Nommé en juin 1969, il a trouvé sur son bureau des propositions de réforme du service national que la Commission armées-jeunesse avait préparées, le 24 mars 1969, et que le ministre des Armées de l'époque – Pierre Messmer – avait reprises à son compte le 13 avril 1969 à Strasbourg.

En la matière, M. Debré aura été un continuateur, tout comme, dans d'autres domaines qui touchent à la défense, il restera le ministre qui s'est évertué, sous la présidence de G. Pompidou, à maintenir intacte la plus grande part de l'héritage gaulliste. Du reste, Robert Galley n'a pas sensiblement modifié l'esprit de la loi qu'il est convenu d'appeler improprement loi Debré.

Tenant compte des observations et des suggestions que des mouvements de jeunes et diverses organisations politiques ou syndicales lui ont adressées lors des consultations entreprises par Aymar Achille-Fould en avril et en mai 1973, le ministre des Armées a fait approuver, le 13 juin, par l'Assemblée nationale diverses modifications touchant à l'âge d'appel sous les drapeaux : le libre choix de l'incorporation est fixé entre dix-huit et vingt-deux ans (vingt-deux ans et dix mois pour ne pas interrompre éventuellement un cycle d'études commencé) et des reports d'incorporation sont attribués, le cas échéant, jusqu'à vingt-trois ans et dix mois par une commission départementale présidée par le préfet.

Contre-attaque

Dans la plupart des cas, la contestation de la loi Debré par des lycéens et des étudiants s'est accompagnée de violentes attaques contre le système militaire. C'est pourquoi le nouveau ministre des Armées a pris avec vigueur, le 13 mai, à Lille, devant le Congrès de l'Union nationale des officiers de réserve, la défense de l'institution militaire. Dénonçant « la criminelle entreprise de dénigrement de l'armée » sur un ton particulièrement mordant, R. Galley s'est engagé à lutter contre « cette conspiration où la volonté de nuire reçoit le renfort de l'inconscience et du laisser-aller ». Cette contre-attaque du ministre des Armées avait été précédée d'une déclaration de l'amiral Marc de Joybert, à Pessac (Gironde), dans laquelle le chef de l'état-major de la marine nationale avait fait part de la mauvaise humeur des militaires de carrière. Peu après c'était au tour du général Alain de Boissieu, chef de l'état-major de l'armée de terre, et du général Claude Grigaut, chef de l'état-major de l'armée de l'air, de s'en prendre à ceux qui accusaient l'armée d'être inutile ou dépassée.