Le scandale de Lyon va déboucher très vite, avant les élections, sur une épuration discrète de la police des mœurs et sur le renforcement ostensible de la répression du proxénétisme dans plusieurs villes de France. Au départ : l'enquête d'un journaliste, Jean Montaldo, et la détermination d'un jeune juge d'instruction, Claude Hanoteau, appuyé par le Syndicat de la magistrature.

Tout a commencé le 11 décembre 1968 avec le meurtre d'un proxénète, Robert Hehlen, dans un cabaret de Neuville-sur-Ain, le Fétich's Club, entre Lyon et Genève. Le commissaire Javilliey, qui est âgé de 55 ans et a demandé sa retraite anticipée le 1er avril 1972, a été interrogé à plusieurs reprises sur cette vieille affaire, notamment après les déclarations de son adjoint Meyer, incarcéré en mai 1972 pour... proxénétisme.

Dans son livre Les corrompus, Jean Montaldo a révélé en 1971 que, dès 1967, le chef du SRPJ lyonnais avait passé ses vacances dans une villa de Vallon-Pont-d'Arc (Ardèche) dont le loyer fut réglé par les époux Dulac, tenanciers du Fétich's Club. Devant le juge Hanoteau, Javilliey s'effondre, tente de s'expliquer : « Ils me communiquaient, dit-il, des renseignements importants. »

Réorganisation

L'inculpation de l'ex-commissaire surprend au moins une personne : le préfet de la région Rhône-Alpes, Max Moulins, qui déclarait quelques jours auparavant : « Ici, il ne se passe rien de plus qu'ailleurs en France. »

Alors commence une cascade d'arrestations. À Lyon, 22 personnes sont appréhendées entre le 27 et le 29 août, dont l'ancien chef de la brigade des mœurs Pierre Isnard et l'officier de police Jean Simonin. Le commissaire principal Louis Tonnot, ex-directeur de la sûreté urbaine lyonnaise, en poste à Roubaix, est suspendu de ses fonctions. L'affaire trouve des ramifications à Bourg-en-Bresse, à Dijon, à Tarbes. Le 1er septembre 1972, le ministère de l'Intérieur annonce une réorganisation de l'Office central pour la répression du trafic des êtres humains et la nomination d'un nouveau directeur. Un préfet de police est délégué à Lyon. Le 15 septembre, le bruit court que Max Moulins pourrait quitter son poste. Deux semaines plus tard, un procès de proxénètes à Clermont-Ferrand annonce celui des Écuries du Roy, qui a lieu à Lyon le 10 novembre 1972 devant un parterre de journalistes. Neuf peines de prison sont prononcées. Le 22 novembre, sept policiers lyonnais sont convoqués à Paris et mutés « dans l'intérêt du service ». Quelques jours plus tôt, le commissaire Tonnot a été appréhendé dans la région parisienne. Son arrestation suscitera les révélations d'une péripatéticienne lilloise, Mme Bernardin, agacée de voir ses concurrentes bénéficier de protections peu orthodoxes. Mme Bernardin et deux de ses pensionnaires sont inculpées le 25 janvier 1973, et c'est au tour de la métropole du Nord de s'interroger sur ses maisons. À Marseille enfin, au mois de mars, l'ancien chef de la brigade des mœurs, Germain Bézert, est mis en cause dans une affaire de proxénétisme.

Incorruptibles

Mais la rapidité, la vigueur des mesures prises au sommet de l'administration policière ont porté temporairement leurs fruits. À l'approche des élections, le scandale de Lyon perd de sa consistance. Le procès en appel des propriétaires des Écuries du Roy a lieu le 24 mars, alors que le député Charret, démissionnaire de l'UDR depuis le 8 septembre, s'est vu désavoué par ses électeurs. Un débat modéré devant un public clairsemé. Le commissaire Louis Tonnot passe en jugement au début de juin et se voit condamné à cinq ans de prison et 300 000 F d'amende ; l'inspecteur J. Simonin, à trois mois de prison avec sursis, peine confondue avec les trois années déjà prononcées contre ce fonctionnaire dans une autre affaire de proxénétisme.

Le scandale de Lyon n'était-il en fin de compte qu'un épisode de la vie régionale, avec ce que cela comporte de bavures, de compromissions regrettables, sur lesquelles s'acharnent, avec un zèle suspect, des magistrats maniaques de la rigueur ?

Dans ces affaires de collaboration – ou de règlements de comptes – entre truands et policiers soucieux de protéger leurs indicateurs ou leurs alliés, un trait apparaît dominant. À chaque fois ce sont des incorruptibles, policiers de Paris ou magistrats locaux, qui font sauter les verrous du silence. C'est aussi, d'une manière à la fois banale et exemplaire, l'apparition d'une magistrature qui revendique pleinement son rôle et demande, avec simplicité, l'application réelle de la loi.

L'incendie d'un CES à Paris

Mardi 6 février : le collège d'enseignement secondaire Édouard-Pailleron, dans la rue du même nom, à Paris-19e, est détruit par un incendie criminel. Il y a 20 victimes, en majorité des enfants.