Peu de temps avant la mort de son père le célèbre archéologue Louis Seymour Leakey, Richard Leakey découvre, en août 1972, un crâne fossile qui pourrait avoir à peu près le même âge.

Ce crâne paraît remarquable à plus d'un titre :
– le volume du cerveau est évalué à plus de 800 cm3 ; la capacité crânienne d'un Australopithèque, en comparaison, ne dépasse guère 500 à 600 cm3 ;
– son front est beaucoup moins fuyant que celui de ses contemporains et ses arcades sourcilières moins accentuées.

Interrogation

Cet être surprenant n'a encore reçu aucun nom. Il n'a qu'un numéro : 1470. De l'avis général, les caractères et l'âge même de 1470 demandent confirmation. On s'étonne en effet de trouver à 2 600 000 ans un être plus évolué que ceux qui ont vécu 1 million d'années plus tard.

Le crâne a été trouvé en morceaux. Sa reconstitution, faite très rapidement, a été critiquée. Sa position dans la stratigraphie ne serait pas tellement assurée. Toutefois il est indubitable que, si date et caractères sont confirmés, les schémas de l'évolution humaine devront être sensiblement révisés – et peut-être dans un sens qui ne serait pas celui qui a été établi par la famille Leakey. La séparation des Hommes et des Australopithèques et l'apparition de l'Homo erectus remonteraient alors beaucoup plus loin qu'on ne le pensait.

Les premiers Australiens

La préhistoire australienne entre à son tour dans l'âge des révolutions. Il y a peu de temps encore, les archéologues accordaient tout au plus quelques milliers d'années aux premières cultures aborigènes. Plusieurs datations récentes montrent que cette présence humaine remonte à plus de 20 000 ans : sa durée supposée a, en quelque sorte, triplé. Le gisement de Keilor a livré des restes d'un âge supérieur à 25 000 ans. La région du lac Mungo, en Nouvelle-Galles du Sud, a révélé plusieurs sites : les dates obtenues, publiées à la fin de 1972, indiquent un âge supérieur à 30 000 ans.

Mais toutes ces datations, qui sont réalisées au carbone 14, ne peuvent être d'une très grande précision au-delà de 30 000 à 35 000 ans. Or, l'occupation est bien antérieure, comme le montrent les études faites par le préhistorien Allen sur ces sites : l'exploitation étendue de la faune, terrestre ou lacustre, et, dans les plus anciens, l'adaptation complète de ces hommes aux ressources locales signifient bien qu'ils n'y étaient pas des nouveaux venus. On peut même tenir pour assuré qu'ils étaient présents en Australie il y a plus de 30 000 ans.

Sépulture

L'ancienneté de ces sites n'est pas leur seul intérêt. Ils révèlent des activités et un savoir-faire que l'on n'accordait pas aux hommes préhistoriques. La découverte d'un amas de coquilles vieux de 25 000 ans en témoigne, puisqu'en Europe, comme en Amérique, ce type de déchets n'est connu qu'à un stade tardif ; il est en général associé aux sociétés dites mésolithiques (9 000 à 6 000 ans, parfois beaucoup moins).

Sur l'un des sites de Mungo, les archéologues ont découvert une sépulture avec traces d'incinération : la plus ancienne, semble-t-il, que l'on connaisse. Elle contient des boulettes d'ocre rouge. À Koonalda, des rayures intentionnelles et des marques ont été faites par des doigts sur les parois d'une grotte il y a plus de 20 000 ans.

Terre cuite

Plus étonnante encore est la découverte de plusieurs masses de terre cuite vieilles d'environ 30 000 ans. On sait que la poterie n'a guère plus de 8 000 ans au Moyen-Orient. Il est possible que cette terre cuite – trouvée à Mungo – ait servi à remplacer les pierres chauffantes dans une région où la pierre est rare. Enfin, certaines d'entre elles semblent avoir servi de pilons ou de meules.

L'arrivée de l'homme en Australie semblait nécessairement récente à cause de la présence de la mer : même aux périodes où le niveau de l'océan était le plus bas, l'Australie restait séparée de l'Asie. Or la navigation ne semble pas être apparue dans les mers européennes avant le Mésolithique. On est donc désormais obligé d'admettre que des embarcations fabriquées par les ancêtres aborigènes ont pu traverser des bras de mer il y a plus de 30 000 ans.

Pithécanthropes

Ces premiers Australiens n'appartenaient pas tous au type moderne. Le site de Kow Swamp a livré une population, vieille de 10 000 ans seulement, que l'anthropologue Thorne a trouvée porteuse de caractères très archaïques : elle aurait conservé des souvenirs très nets et bien marqués des pithécanthropes. Ce qui laisserait à penser que ces derniers, encore considérés comme des demi-singes, étaient en fait plus évolués.