Le Conseil de l'Europe, le 18 octobre, recommandait aux États membres de faciliter la contraception, de créer des centres de planification familiale gratuits, de développer l'éducation sexuelle. C'était l'esprit même de la proposition de loi déposée le 29 juin 1972 par Lucien Neuwirth, député UDR de la Loire, tendant à créer un Office national d'information et d'éducation familiales. Adoptée à l'unanimité en octobre par la commission parlementaire spéciale chargée de l'étudier, cette proposition de loi est désapprouvée par le ministre de la Santé. Il en retarde l'examen par l'Assemblée nationale et avance un contre-projet, repoussé à son tour par la commission. Malgré ces atermoiements et grâce à l'acharnement de Lucien Neuwirth, les députés votent finalement, le 14 décembre 1972, la création d'un Conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale, placé sous la tutelle du Premier ministre et financé sur le budget de l'État.

Le projet de loi reconnaît donc le droit à la procréation volontaire et donne les possibilités administratives et financières de l'organiser dans le respect des convictions de chacun. Mais le texte est communiqué tardivement au Sénat, qui refuse d'en débattre hâtivement avant la clôture de la session parlementaire ; il en repousse l'examen à la session d'avril !

La pilule pour hommes

« Il se pourrait bien que nous assistions à une révolution dans l'emploi des méthodes contraceptives presque aussi importante que celle qu'a engendrée l'adoption de la pilule par les femmes, si les essais en cours sur des hommes volontaires sont encourageants », telle est la prévision du docteur Clive Wood (Londres) à propos de la pilule for men mise au point il y a deux ans par le chef du département de zoologie de la faculté de médecine de l'hôpital St Bartholomew à Londres, le docteur Dennis Lacy. Cette pilule associe deux hormones qui, par action sur l'hypophyse, inhiberaient la spermatogenèse tout en maintenant la libido. La vérification expérimentale de la double action de la combinaison hormonale a été réalisée chez le rat, avec succès semble-t-il. Des volontaires se sont déjà présentés pour subir un traitement de moyenne durée. Mais il reste à obtenir l'autorisation du Comité britannique sur la sécurité des médicaments, et un assez long recul est nécessaire avant qu'on soit éclairé sur l'efficacité de la pilule masculine.

Sexualité

L'urgence de définir une ligne d'action nationale en matière d'information sexuelle est soulignée par l'affaire Mercier, qui éclate en décembre 1972. Nicole Mercier, jeune professeur de philosophie au lycée de Belfort, est inculpée d'outrage aux bonnes mœurs pour avoir commenté en classe, sur la proposition de ses élèves, le tract du docteur Carpentier intitulé Apprenons à faire l'amour. Le docteur Jean Carpentier était suspendu le 14 juin 1972 par le Conseil régional de l'Ordre des médecins pour avoir distribué ce tract devant un lycée.

L'inculpation soulève une vive agitation à Belfort et dans les environs : grèves d'élèves et d'enseignants, manifestations de soutien, protestations des syndicats d'enseignants contre l'ingérence de la justice dans les affaires de l'Éducation nationale, etc. Néanmoins, beaucoup de parents d'élèves affirment leurs prérogatives en matière d'éducation sexuelle et s'indignent du ton du tract, désapprouvé par l'archevêque de Besançon.

L'affaire témoigne des profondes divergences qui existent chez les Français vis-à-vis de l'éducation sexuelle, et elle pose concrètement le problème de l'information sexuelle à l'école.

Rapport

Manifestement, la sexualité n'est plus un sujet tabou. La publication, en novembre 1972, du Rapport sur le comportement sexuel des Français, présenté par une équipe réunie autour du docteur Pierre Simon, ne soulève pas le scandale qu'avait provoqué, environ vingt ans plus tôt, le rapport Kinsey aux États-Unis. Résultat d'une enquête menée pendant l'été 1970 auprès de 2 600 hommes et femmes âgés de plus de 20 ans et constituant un échantillon représentatif de l'ensemble de la population française, le rapport Simon veut montrer le visage de notre société.