Pour ces raisons, les neurologues n'ont pas renoncé aux médicaments classiques (après les alcaloïdes de la belladone introduits par Charcot, les anticholinergiques de synthèse), réservant leur emploi, d'une part, aux parkinsoniens intolérants à la L-Dopa, d'autre part aux malades atteints de la forme initiale légère de la maladie « où un traitement par la L-Dopa aurait plus d'inconvénients que d'avantages » (J. Sigwald). Certains neurologues associent anticholinergiques et L-Dopa, dans des proportions soigneusement étudiées, et obtiennent, ce faisant, de meilleurs résultats avec des doses moyennes du second produit.

Enfin, à la suite des travaux de G. Gauthier (Genève) et de J. Siegfried (Zurich), un corps particulier, dit IDC (inhibiteur de la décarboxylase extra-cérébrale), a été associé à la L-Dopa, afin d'améliorer les résultats déjà obtenus, tout en diminuant le nombre ou la fréquence des effets secondaires provoqués par la drogue. Selon J. de Ajuriaguerra (Genève), qui s'est servi de cette association chez des parkinsoniens pendant plus de quatre ans, des « résultats spectaculaires sont obtenus dans certains cas ».

Amantadine

Mais (et c'est le revers de la médaille) tous les neurologues ont constaté que, si le traitement doit être interrompu pour une raison quelconque, la maladie continue d'évoluer et le malade présente un ensemble de symptômes plus graves qu'avant le début du traitement : seule ou associée à d'autres produits, la L-Dopa ne guérit pas le parkinsonien ; elle lui permet de vivre mieux avec sa maladie. C'est déjà un progrès considérable.

Peut-on aller plus loin ? En 1970, des médecins anglais découvraient fortuitement qu'un médicament destiné à prévenir la grippe causée par le virus Hongkong, l'amantadine, se révélait très actif contre les symptômes de la maladie de Parkinson.

À la fin de 1972, deux équipes françaises (P. Castaigne, D. Laplane et G. Dordain d'une part, J. Sigwald, Cl. Raymondeaud et J. Grégoire d'autre part) ont fait connaître les résultats d'une expérimentation clinique prolongée de l'amantadine sur différents groupes de parkinsoniens : résultats bons ou très bons dans 50 % des cas dans la première série, amélioration subjective et objective chez 66 % des malades dans la deuxième série. Pour le moment, les neurologues réservent l'amantadine aux formes débutantes de la maladie et aux sujets ne pouvant pas recevoir de L-Dopa.

Tel est l'arsenal actuel de nos moyens contre cette redoutable maladie : en six ans, il a changé l'existence quotidienne des parkinsoniens.

Les surprises de la L-Dopa

Utilisée déjà dans le traitement des parkinsoniens, la L-Dopa a révélé d'autres propriétés fort intéressantes. L'équipe du docteur A. Sarrazin (hôpital de la Salpêtrière) a publié quatre observations de patients que la L-Dopa a permis de sortir du coma hépatique. Son action sur la conscience est surprenante. C'est la seconde fois dans le monde que la L-Dopa est employée dans le traitement du coma hépatique. D'autre part, le docteur John Minton a déclaré devant le collège de chirurgie des États-Unis que la L-Dopa a permis, dans certains cas, de supprimer la douleur chez des malades atteintes de métastases osseuses d'un cancer du sein. En outre, une épreuve à la L-Dopa donne au médecin la possibilité de savoir d'avance si ces malades réagiront favorablement ou non à certaines interventions chirurgicales (ovariectomie ou hypophysectomie).

L'acupuncture à l'heure occidentale

Quelques événements d'un intérêt inégal auront marqué le fracassant retour de l'acupuncture dans le monde occidental, après un demi-sommeil de près de vingt-cinq ans : le voyage de Nixon en Chine après un échange de balles de Ping-Pong américano-chinois, la tenue en République fédérale allemande du 16e Congrès international d'acupuncture (automne 1971), le récit par la télévision et la radio françaises d'une petite intervention chirurgicale (l'exérèse d'un lipome dorsal) réalisée chez une femme de 35 ans sous anesthésie induite par la pose des petites aiguilles et présentée comme « une grande première mondiale », constituent autant de signes de ce renouveau d'intérêt pour une très ancienne technique thérapeutique.

Mystère

Au-delà de ce tintamarre, dont certaines expressions ne traduisent peut-être que l'attirance des hommes pour ce qui demeure encore un mystère en un temps où la science démystifie tout ou presque tout, se devine une préoccupation simple et parfaitement concrète dans ses applications : si vraiment l'acupuncture devait se révéler comme une base de traitements efficaces de certaines maladies, pourquoi ne serait-elle pas mondialisée, au secours de l'homme malade et de l'homme souffrant ?

Anesthésie

Et les Occidentaux ont décidé de passer l'acupuncture au crible de leurs moyens d'investigation et de contrôle. Après les Européens, les Américains sont entrés dans la ronde : en mars 1972, l'un des plus grands cardiologues américains, Paul D. White, revenu lui aussi d'un pèlerinage aux sources chinoises, déclarait que « des médecins américains en collaboration avec des médecins chinois allaient entreprendre des recherches à propos de l'anesthésie par acupuncture ». D'autre part, des essais se poursuivent dans différents hôpitaux, en France en particulier, où des cliniciens contrôlent systématiquement les résultats obtenus sur des groupes de malades grâce à l'implantation des petites aiguilles, par comparaison avec les traitements classiques. Enfin, des expériences très fines sont menées dans différents laboratoires de physiologie. Il s'agit de chercher une explication rationnelle à l'efficacité réelle ou supposée de cette pratique médicale, la plus ancienne peut-être de l'histoire humaine, en tous les cas sans doute une des plus surprenantes.

Yin et yang

Avant de dresser le bilan des travaux dans ces trois axes de recherche (mécanisme de l'action des aiguilles, études cliniques contrôlées, anesthésie par acupuncture), précisons que la plupart des chercheurs occidentaux tentent d'oublier, sans les méconnaître, les principes quasi philosophiques qui président à l'acupuncture millénaire : celle-ci postule l'existence de deux énergies vitales, le yin et le yang, différents et complémentaires, qui parcourent le corps humain le long de méridiens, sortes de lignes cutanées dont le tracé ne repose sur aucun substratum anatomique. Sur ces méridiens, des points de tonification et de dispersion augmentent ou diminuent la quantité d'énergie qui les parcourt. Les méridiens correspondent aux organes internes, dont ils règlent le fonctionnement : agir par une piqûre sur tel ou tel point d'un méridien, c'est agir à distance sur l'organe que ce méridien a sous son contrôle. Pour le fond du problème, les scientifiques sont actuellement formels : « En l'état actuel de nos connaissances, assure Claude Kordon (laboratoire d'histophysiologie du Collège de France), toute tentative d'explication de certains résultats de l'acupuncture, à la lumière des données expérimentales modernes sur le système nerveux central, ne peut être que spéculative. » Pourtant, il n'est pas exclu de penser que l'étude de quelques « modèles de structure de régulation centrale de certaines fonctions végétatives : la régulation de la chaleur du corps, du sommeil, du comportement alimentaire et des fonctions neuro-humorales », pourrait nous éclairer à ce propos, en posant comme hypothèse de travail que « certains résultats obtenus en acupuncture pourraient, en première approximation, mettre en jeu des mécanismes de régulation analogues à ceux que la recherche moderne permet d'analyser dans ce domaine ». Et Claude Kordon conclut que si l'on pouvait démontrer que l'acupuncture est capable de moduler l'activité de centres nerveux déterminés, par exemple par une stimulation (en sens inverse de l'influx nerveux) des fibres périphériques vers leurs neurones d'origine, « on pourrait alors comprendre que l'excitation de points situés sur le territoire d'innervation d'un centre de commande modifie électivement les équilibres contrôlés par ce centre ».

Courants

Sur le plan expérimental, de nombreux travaux ont été réalisés et leurs premiers résultats sont des plus intéressants. Ainsi on a pu mettre en lumière (Dr Niboyet, Dr Grall, Dr Brunet) l'existence de courants de l'ordre de 5 à 10 micro-ampères au niveau de certains points traditionnels de l'acupuncture chinoise.