Les plongées du bathyscaphe constituent en effet la première phase profonde du projet franco-américain FAMOUS (French-American mid-ocean undersea study) qui se propose d'étudier pour la première fois in situ une dorsale subocéanique. Au programme de l'Archimède figure le levé topographique le plus précis possible de la zone choisie, accompagné, pour les endroits qui en vaudront la peine, de la couverture photogrammétrique, de prises de vues sur magnétoscope et de commentaires enregistrés sur le vif par les deux passagers scientifiques.

Rift

Depuis moins de dix ans, les géophysiciens, dans leur quasi-unanimité, ont reconnu l'importance des dorsales subocéaniques dans leur théorie de la tectonique des plaques (Journal de l'année 1970-1971). La surface de notre planète est constituée en effet de plaques rigides qui, en se renouvelant perpétuellement, entraînent les continents dans une dérive sans fin.

De nouveaux fonds océaniques (du basalte essentiellement) se mettent en place dans les dorsales subocéaniques, soit par éruptions, soit par intrusions de magma.

Tous ces phénomènes volcaniques sont concentrés dans la zone médiane des dorsales d'où s'éloignent symétriquement le matériau mis en place précédemment. Comme la Terre ne grossit pas, une quantité équivalente de matériau océanique disparaît à l'autre bout des plaques dans les fosses océaniques ou, dans une moindre proportion, dans les chaînes de montagnes. L'étirement, suivi de séparation, se traduit dans la topographie des dorsales par un sillon médian, le rift, qui est le siège de phénomènes volcaniques et sismiques, et aussi d'anomalies de flux de chaleur, de magnétisme et de pesanteur.

Seules quelques îles volcaniques émergent ici ou là, le long des 50 000 km de ces dorsales qui serpentent sur le fond de tous les océans. Dans l'Atlantique, la dorsale est ainsi jalonnée par les îles Jan Mayen, l'Islande, les Açores, l'Ascension, Tristan da Cunha et Gough.

Préparation

Le projet FAMOUS est une entreprise franco-américaine à laquelle participent le Centre national pour l'exploitation des océans (CNEXO), la National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOAA) et la Woods Hole Oceanographic Institution. Dès 1972, huit géologues, géophysiciens et pilotes d'engins sous-marins français sont allés en Islande se familiariser avec l'une des rares parties visibles de la dorsale médio-atlantique ; des scientifiques français ont participé à des plongées de l'Archimède au large de Madère, puis près de la Corse, pour s'habituer au bathyscaphe ; des géophysiciens ou géologues américains et français se sont entraînés aux États-Unis à plonger à bord du petit sous-marin expérimental Alvin.

Depuis la surface, deux navires océanographiques américains, l'Atlantis II et le Trident, et un français, le Jean-Charcot, ont effectué des levés bathymétriques, sismiques, gravimétriques, magnétiques et photographiques, de façon à sélectionner le site définitif de FAMOUS.

Transpondeurs

Le D'Entrecasteaux, le plus récent bateau hydrographique de la Marine nationale, prépare au début de l'été les plongées de l'Archimède. Il pose sur le fond des transpondeurs (balises acoustiques) et les positionne par rapport à sa propre... position, qui est calculée en coordonnées absolues à 100 m près, grâce au système de navigation par satellite Transit.

Pendant ces plongées, l'Archimède calculera sa propre position à quelques mètres près par référence aux transpondeurs du fond. En même temps il restera en communication constante avec son navire accompagnateur, le Marcel-Le-Bihan, sur lequel est transféré le système Transit. Ainsi, pour la première fois, un engin sous-marin en plongée connaît sa position grâce à un satellite de navigation.

D'autres navires de surface participeront en 1973 au projet FAMOUS : le Knorr, l'Atlantis II et le Mizar américains, le Discovery britannique et peut-être le Kurchatov soviétique. De leurs résultats et de ceux qu'aura rapportés le bathyscaphe dépendront d'éventuelles modifications de la phase principale du projet FAMOUS prévue pour 1974.

De visu

En 1974, trois engins sous-marins plongeront sur le site choisi :
– l'Archimède se réservera le fond chaotique du rift médian de la dorsale. Le bathyscaphe est un engin lourd, mais capable d'emporter une charge utile (inversement proportionnelle à la profondeur de sa plongée) qui le rend irremplaçable. La profondeur du rift n'excédant pas 3 000 m, il pourra descendre et remonter 3,5 t d'appareils de mesures ou de prélèvements et rapporter des quantités importantes d'échantillons ;
– la soucoupe plongeante française SP 3 000 (très manœuvrante) étudiera une faille transformante, c'est-à-dire une de ces zones de fractures qui hachent les dorsales en segments décalés et sont, en conséquence, le siège d'une intense activité sismique ;
– l'Alvin (très manœuvrant lui aussi) se consacrera aux pentes du rift.