La soirée inaugurale a été très critiquée. Mais très vite l'équipe de Jean-Louis Guillaud fait preuve d'une réelle ambition de renouvellement. Le caractère complémentaire de la dernière-née des chaînes nationales, d'inspiration régionale, doit permettre au téléspectateur de faire un choix réel. Mais le Français, homme d'habitudes – il a mis des années à s'intéresser à la deuxième chaîne –, est dérouté par une grille qui ne ressemble à rien de connu.

Pas de speakerines, des horaires différents, des soirées qui commencent beaucoup plus tôt, des émissions plus courtes (tranches de vingt-six ou cinquante-deux minutes précisément établies), un feuilleton généralement terminé en une semaine, Reprise qui permet de revoir à quelques jours d'intervalle une émission – reportage sportif, dramatique, variétés ou document – qui a été appréciée sur l'une des deux autres chaînes au cours de la quinzaine. Le ton est quelquefois déroutant, taxé d'austérité par certains. Il s'agit d'inviter à la réflexion. La quête de talents régionaux est, elle aussi, nouvelle, dans une entreprise où le parisianisme exagéré exaspère souvent le provincial. Chance est donnée à de jeunes réalisateurs, et avant tout on se veut francophone.

Inquiétudes

On constate bientôt que l'audience n'est pas celle que l'on escomptait. Jean-Louis Guillaud et son équipe devront donc rendre leurs programmes différents, c'est-à-dire les faire ressembler un peu a ceux des autres chaînes : horaires modifiés, plus de variétés, un peu d'américanisme dans les séries, moins d'émissions sérieuses.

Ces concessions, consenties dès le premier trimestre d'existence, ne manquent pas d'inquiéter certains. On peut se demander jusqu'où elles iront et si l'on ne retrouvera pas, d'ici quelques mois, une troisième grille de programmes en tout point conçue comme ses deux aînées.

Pourtant, bon nombre d'émissions sont a retenir à plus d'un titre : Attentat à Marseille, réalisé par Daniel Costelle, En remontant le Mississippi de Claude Fléouter et Robert Manthoulis, Les nouvelles de Somerset Maugham produites par la BBC, C'était hier d'Henri de Turenne, L'album de famille des Français de Jean-Claude Bergeret, La porteuse de pain, feuilleton de Xavier de Montépin, réalisé par Marcel Camus avec une intéressante composition de Martine Sarcey. Le quart d'heure destiné aux enfants – Roulotte, Clignotant – a su trouver sa voie. Il est instructif et attrayant sans bêtifier.

Programmes

Au printemps 1973, on présente les nouveaux programmes dont le projet avait été approuvé par le conseil d'administration en octobre et qui sont fondés sur le caractère de complémentarité des trois chaînes, des carrefours devant permettre l'articulation des soirées autour des horaires d'information. Mais le rétablissement, en toute dernière minute, des émissions régionales sur la première chaîne – dans le projet elles devaient être diffusées uniquement sur les deuxième et troisième chaînes – jette à bas les rouages d'une grille soigneusement élaborée pendant des mois !

Et le 2 avril, pour le lancement des nouveaux programmes, la situation n'a guère changé par rapport au trimestre précédent. On reviendra donc au carrefour traditionnel de 20 h 30, sur les trois chaînes.

En définitive, si l'on évoque globalement les programmes de la saison, on s'aperçoit que ce sont les feuilletons et séries qui ont le plus retenu l'attention : la suite de L'odyssée de l'équipe Cousteau et ses images toujours fascinantes, la discrète série de Pierre Bellemare Témoins, L'homme qui revient de loin avec Louis Velle, La famille Boussardel de Philippe Hériat, qui met Nicole Courcel sur les rails d'une nouvelle carrière, Amicalement vôtre avec Tony Curtis et Roger Moore, Les évasions célèbres, Sam Cad avec Glenn Ford, Les gens de Mogador qui déclenchent les protestations de leur auteur Élisabeth Barbier, Les rois maudits de Maurice Druon réalisés par Claude Barma, Anna et le roi de Siam avec Yul Brynner, Columbo ou les aventures d'un policier pas comme les autres, Joseph Balsamo avec Jean Marais, Les Thibault d'après Roger Martin du Gard, avec Charles Vanel, Les six femmes d'Henry VIII, production britannique, Le temps de vivre, le temps d'aimer avec Jean-Claude Pascal.