Fidèle à lui-même, Luchino Visconti, dans Le crépuscule des dieux, s'est attardé sur les folies baroques du roi fou Louis de Bavière. D'une longueur excessive, parfois inutilement insistant par des jeux subtils de caméra sur le flamboiement des décors, le film offre néanmoins suffisamment de satisfactions visuelles pour faire honorable figure dans la filmographie de son auteur.

Dans la grande tradition du cinéma politique, un très bel essai des frères Taviani, Saint Michel avait un coq, n'a pas eu le succès public qu'il méritait. Il s'agit pourtant là d'une œuvre très forte – et, ce qui ne gâche rien, très belle – sur l'engagement politique, l'utopie anarchiste, la désillusion, la loi du progrès. Dans un registre voisin, La Villegiatura, de Marco Leto, a été la révélation de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.

Bertolucci, Visconti, les Taviani, le cinéma italien peut s'enorgueillir de compter plusieurs auteurs de poids dans ses rangs. Il faut désormais inclure parmi eux Marco Bellocchio, déjà habile quand on lui demande de terminer un film commencé par un autre (Viol en première page), mais plus convaincant encore lorsqu'il est libre de ses mouvements. Ambigu et rageur, Au nom du père est un pamphlet au vitriol contre la société contemporaine (qu'il attaque par le biais des institutions religieuses, symbole pour le cinéaste d'un traditionalisme figé et nuisible).

Damiano Damiani (Nous sommes tous en liberté provisoire) n'a pas retrouvé la force de sa Confession d'un commissaire de police au procureur de la République, dans un film intéressant et courageux qui rappelle trop dans sa forme l'académisme d'un André Cayatte.

L'humour se porte assez bien du côté de Rome, s'il faut en croire Dino Risi (Une poule, un train et quelques monstres et Fais-moi très mal, mais couvre-moi de baisers), mais l'Alfredo, Alfredo de Pietro Germi nous persuade en même temps du contraire.

Valerio Zurlini revient au premier rang avec un film très inégal (Le professeur) qui a le mérite de transcender un scénario particulièrement mélodramatique par des séquences surprenantes. Pier Paolo Pasolini, en allant tourner en Grande-Bretagne ses Contes de Canterbury, a, semble-t-il, perdu en route l'inspiration qui lui avait permis de mener à bien un truculent Décameron. Le procédé de fabrication n'est pas loin, et le cinéma italien l'a vite compris, qui exploite sans vergogne le filon pasolinien en fabriquant un ou deux nouveaux Décameron par mois.

Grande-Bretagne

La méprise, d'Alan Bridges, qui a partagé la Palme d'or du Festival de Cannes avec L'épouvantail, n'est pas sans évoquer littérairement, D. H. Lawrence et, cinématographiquement, Joseph Losey. L'auteur du roman adapté, L. P. Hartley, est d'ailleurs le même qui signa Le messager. Le film, dont le style d'un classicisme feutré convient parfaitement au propos, met l'accent sur les barrières sociales de l'Angleterre des années 20 à travers la description des rapports étranges qui lient un chauffeur de louage à une jeune Milady.

Un succès – inattendu et amplement mérité – a accueilli le troisième film du plus talentueux des jeunes réalisateurs britanniques, Ken Loach, Family life, à la lumière des thèses de Laing sur l'antipsychiatrie, brosse le portrait d'une jeune fille que son milieu familial – apparemment normal – conduit inconsciemment, insensiblement et inéluctablement vers la schizophrénie aiguë.

Peut-on rajeunir les drames d'Ibsen ? Joseph Losey le pense et adapte pour l'écran Maison de poupée. L'auteur hésite entre une scrupuleuse fidélité au texte original et quelques clins d'yeux malicieux vers les thèses, âprement défendues par le MLF (Mouvement de libération de la femme).

De Lindsay Anderson, on était en droit d'attendre mieux que Le meilleur des mondes possibles (O Lucky Man !), récit picaresque qui s'effiloche dans toutes les directions, de Ken Russell mieux que Le messie sauvage, de Tony Richardson mieux que Chambre obscure, œuvres mineures dans la carrière de leurs auteurs.