Le sentiment unanime, néanmoins, est qu'Edward Heath a désormais en main les atouts d'une certaine victoire. Il peut même se permettre de relancer son invitation aux syndicats pour qu'ils participent à l'élaboration de la troisième phase du plan anti-inflation qui doit entrer en application à l'automne 1973.

C'est donc avec un prestige rehaussé que le Premier ministre, qui s'était rendu à Washington en février 1973, vient à Paris les 21 et 22 mai pour rencontrer le président Pompidou. Reprise de contacts cinq mois après l'entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté, préparation de la grande confrontation avec les États-Unis, relations bilatérales, tous les sujets (y compris les aléas de la construction du tunnel sous la Manche et les malheurs de Concorde) sont évoqués par les deux hommes qui, selon un mot du président de la République, « en désaccord sur presque tout, s'entendent néanmoins fort bien ». L'entente cordiale n'a jamais été autre chose.

Scandales

Deux scandales défrayent la chronique au début de mai. Le premier voit compromis dans une affaire financière un membre de la famille royale, un ancien ministre et un agent des services secrets. Le second rappelle un moment l'affaire Profumo. Le 22 mai, lord Lambton, sous-secrétaire d'État à l'aviation au ministère de la Défense, donne sa démission « pour raison de santé ». En fait, il apparaît vile que cette démission est l'aboutissement d'une affaire de mœurs où se mêlent call-girls et drogue.

Ulster

L'Irlande du Nord connaît un certain dégel politique. Les attentats continuent, mais trois faits nouveaux viennent modifier assez profondément l'échiquier :
– l'opération Motorman, lancée fin juillet 1972 par l'armée britannique, qui amène l'arrestation de plusieurs responsables importants de l'IRA provisoire ;
– la publication, le 20 mars 1973, du Livre blanc sur l'avenir constitutionnel de l'Ulster, qui annonce la fin de l'hégémonie de la majorité protestante ;
– l'instauration d'une concertation régulière entre Londres et Dublin.

Motorman

À la fin de juin 1972, les provisoires annoncent un cessez-le-feu et acceptent de démanteler les barricades édifiées dans les quartiers catholiques. Mais le 9 juillet, à la suite d'incidents confus, la trêve est rompue. Durant deux semaines les provos, armés pour la première fois de bazookas de fabrication soviétique, et l'armée s'affrontent violemment. Le 21 juillet, une série d'attentats à la bombe fait 16 morts et 140 blessés à Belfast. L'armée britannique lance alors une vaste opération de ratissage dans les bastions catholiques. L'opération, appelée en code Motorman, permettra, dans les semaines qui suivent, l'arrestation de 200 membres de l'IRA provisoire.

Les esprits ne se calment pas pour autant ; le 10 août, l'Europe occidentale en vacances est frappée d'horreur : un soldat britannique, dont le véhicule a capoté, est lapidé par des enfants.

Boycott

W. Whitelaw, le secrétaire d'État britannique à l'Irlande du Nord, propose une conférence tripartite à la fin de septembre. Le 23, dans un souci d'apaisement, les Britanniques annoncent la fin prochaine de l'internement administratif sans jugement des suspects, contre lequel les catholiques ne cessent de protester.

Cependant, des heurts sérieux se produisent les 8 et 9 septembre entre les soldats britanniques et les militants de l'Association pour la défense de l'Ulster (UDA), l'organisation paramilitaire mise sur pied par les protestants. On commence à parler d'un possible protestant backlash (réaction des protestants) si Londres se met en tête d'accorder des prérogatives nouvelles à la minorité catholique. Le 26 septembre, la conférence tripartite de Darlington, une petite ville du nord-est de l'Angleterre, est un fiasco. Tous les mouvements catholiques l'ont boycottée ; les activistes protestants aussi. Des trois partis représentés – unioniste, Alliance et travailliste de l'Irlande du Nord – seul le premier, celui de Brian Faulkner qui détenait une écrasante majorité dans l'ancien Parlement, est vraiment représentatif.